AU FIL DES JOURS...

Edition du

30/07/2019

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Canonisation des bienheureux Jean Baptiste Scalabrini & Artemide Zatti

Alors que Jésus est en chemin, dix lépreux viennent à sa rencontre en criant : « Aie pitié de nous » (Lc 17, 13). Les dix sont guéris, mais un seul d’entre eux revient pour remercier Jésus : c’est un Samaritain, une sorte d’hérétique pour les juifs. Au début, ils marchent ensemble, mais ensuite ce Samaritain fait la différence lorsqu’il revient « en louant Dieu à haute voix » (v. 15). Arrêtons-nous sur ces deux aspects que nous pouvons recueillir dans l’Évangile d’aujourd’hui : marcher ensemble et rendre grâce.

Tout d’abord, marcher ensemble. Au début du récit, il n’y a aucune différence entre le Samaritain et les neuf autres. On parle simplement de dix lépreux, qui font groupe et, sans division, vont à la rencontre de Jésus. La lèpre, comme nous le savons, n’était pas seulement un fléau physique – qu’aujourd’hui encore nous devons nous efforcer d’éradiquer – mais aussi une « maladie sociale », car à l’époque, par peur de la contamination, les lépreux devaient rester en dehors de la communauté (cf. Lv 13, 46). Par conséquent, ils ne pouvaient pas entrer dans les centres habités, ils étaient tenus à l’écart, relégués en marge de la vie sociale et même religieuse, isolés. Marchant ensemble, ces lépreux expriment leur désarroi contre une société qui les exclut. Et notons bien : le Samaritain, même s’il est considéré comme un hérétique, un « étranger », fait groupe avec les autres. Frères et sœurs, la maladie et la fragilité communes font tomber les barrières et dépasser toute exclusion.

C’est une belle image pour nous aussi : si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous nous rappelons que nous sommes tous malades dans le cœur, que nous sommes tous pécheurs, tous dans le besoin de la miséricorde du Père. Et nous cessons alors de nous diviser sur la base des mérites, des rôles que nous jouons ou de tout autre aspect extérieur de la vie, et les murs intérieurs tombent, les préjugés tombent. Alors, enfin, nous nous redécouvrons frères. Naaman le syrien aussi – nous le rappelle la première Lecture – bien que riche et puissant, a dû, pour être guéri, faire une chose simple : se plonger dans le fleuve dans lequel tous les autres se baignaient. Il a dû d’abord enlever son armure, ses vêtements (cf. 2 R 5) : comme il est bon pour nous d’enlever nos armures extérieures, nos barrières défensives, et prendre un bon bain d’humilité, en nous rappelant que nous sommes tous fragiles à l’intérieur, que nous avons tous besoin de guérison, tous frères. Rappelons-nous ceci : la foi chrétienne nous demande toujours de marcher ensemble avec les autres, jamais d’être des marcheurs solitaires ; elle nous invite toujours à sortir de nous-mêmes vers Dieu et vers nos frères et sœurs, jamais de nous refermer sur nous-mêmes ; elle nous demande toujours de reconnaître que nous avons besoin de guérison et de pardon, et de partager les fragilités de ceux qui nous entourent, sans nous sentir supérieurs.

Frères et sœurs, vérifions si dans notre vie, dans nos familles, dans les lieux où nous travaillons et que nous fréquentons chaque jour, nous sommes capables de marcher ensemble avec les autres, nous sommes capables d’écouter, de surmonter la tentation de nous barricader dans notre autoréférence et de ne penser qu’à nos besoins. Mais marcher ensemble – c’est-à-dire être « synodal » – c’est aussi la vocation de l’Église. Demandons-nous dans quelle mesure nous sommes réellement des communautés ouvertes et inclusives envers tout le monde ; si nous sommes capables de travailler ensemble, prêtres et laïcs, au service de l’Évangile ; si nous avons une attitude d’accueil – non seulement avec des mots mais avec des gestes concrets – envers ceux qui sont loin et envers tous ceux qui s’approchent de nous, ne se sentant pas à la hauteur à cause de leurs parcours de vie mouvementés. Les faisons-nous sentir qu’ils font partie de la communauté ou bien les excluons-nous ? J’ai peur quand je vois des communautés chrétiennes diviser le monde entre les bons et les mauvais, entre les saints et les pécheurs : c’est ainsi qu’on finit par se sentir meilleurs que les autres et écarter nombre de ceux que Dieu veut embrasser. S’il vous plait, toujours inclure, dans l’Église comme dans la société, encore marquée par tant d’inégalités et de marginalisations. Inclure tout le monde. Et aujourd’hui, le jour où Scalabrini devient saint, je voudrais penser aux migrants. L’exclusion des migrants est scandaleuse ! En fait, l’exclusion des migrants est criminelle, elle les fait mourir devant nous. Et ainsi, aujourd’hui nous avons la Méditerranée qui est le plus grand cimetière du monde. L’exclusion des migrants est dégoûtante, elle est immorale, elle est criminelle. Ne pas ouvrir les portes à ceux qui sont dans le besoin. “Non, nous ne les excluons pas, nous les renvoyons” : dans les camps, où ils sont exploités et vendus comme esclaves. Frères et sœurs, aujourd’hui, pensons à nos migrants, à ceux qui meurent. Et ceux qui sont capables d’entrer, les recevons-nous comme des frères ou les exploitons-nous? Je laisse la question, seulement.

Le deuxième aspect est l’action de grâce. Dans le groupe des dix lépreux, il n’y en a qu’un seul qui, se voyant guéri, retourne louer Dieu et montrer de la gratitude à Jésus. Les neuf autres sont guéris, mais partent ensuite chacun de son côté, oubliant Celui qui les a guéris. Oublier les grâces que Dieu nous donne. Le Samaritain, en revanche, fait du don qu’il a reçu le début d’un nouveau chemin : il retourne vers Celui qui l’a guéri, il va pour connaître Jésus de près, il commence une relation avec Lui. Son attitude de gratitude n’est donc pas un simple geste de courtoisie, mais le début d’un parcours de reconnaissance : il se prosterne aux pieds du Christ (cf. Lc 17, 16), c’est-à-dire qu’il fait un geste d’adoration ; il reconnaît que Jésus est le Seigneur, et qu’Il est plus important que la guérison reçue.

Et frères et sœurs, c’est une grande leçon aussi pour nous qui bénéficions chaque jour des dons de Dieu, mais qui suivons souvent notre propre chemin, oubliant de cultiver une relation vivante, réelle avec Lui. C’est une vilaine maladie spirituelle : tout considérer comme acquis, même la foi, même notre relation avec Dieu, au point de devenir des chrétiens qui ne savent plus s’étonner, qui ne savent plus dire “merci”, qui ne se montrent pas reconnaissants, qui ne savent pas voir les merveilles du Seigneur. “Chrétiens à l’eau de rose”, comme disait une dame que j’ai connue. C’est ainsi que nous finissons par penser que tout ce que nous recevons chaque jour est évident et dû. La gratitude, le fait de savoir dire « merci », nous amène au contraire à affirmer la présence du Dieu-amour. Et aussi à reconnaître l’importance des autres, en surmontant l’insatisfaction et l’indifférence qui enlaidissent le cœur. Il est fondamental de savoir rendre grâce. Chaque jour, dire merci au Seigneur, chaque jour, savoir nous remercier les uns les autres : en famille, pour ces petites choses que nous recevons parfois sans même nous demander d’où elles viennent ; dans les lieux que nous fréquentons quotidiennement, pour les nombreux services dont nous bénéficions et pour les personnes qui nous soutiennent ; dans nos communautés chrétiennes, pour l’amour de Dieu que nous expérimentons à travers la proximité des frères et sœurs qui, souvent en silence, prient, offrent, souffrent, marchent avec nous. S’il vous plait, n’oublions pas ce mot clé : merci ! N’oublions pas d’entendre et de dire “merci” !

Les deux saints canonisés aujourd’hui nous rappellent l’importance de marcher ensemble et de savoir rendre grâce. L’évêque Scalabrini, qui fonda deux Congrégations pour le soin des migrants, une masculine et une féminine, affirmait que dans la marche commune de ceux qui émigrent, il ne faut pas voir seulement des problèmes, mais aussi un dessein de la Providence : « C’est justement à cause des migrations forcées par les persécutions – disait-il – que l’Église a dépassé les frontières de Jérusalem et d’Israël et est devenue « catholique » ; grâce aux migrations d’aujourd’hui, l’Église sera un instrument de paix et de communion entre les peuples » (L’emigrazione degli operai italiani, Ferrara 1899). Il y a une migration, en ce moment, ici en Europe, qui nous fait beaucoup souffrir et nous pousse à ouvrir notre cœur : la migration des Ukrainiens qui fuient la guerre. N’oublions pas aujourd’hui l’Ukraine meurtrie ! Scalabrini regardait au-delà, il regardait en avant, vers un monde et une Église sans barrières, sans étrangers. Pour sa part, le frère salésien Artemide Zatti, avec sa bicyclette, a été un exemple vivant de gratitude : guéri de la tuberculose, il a consacré toute sa vie à gratifier les autres, à soigner les malades avec amour et tendresse. On dit qu’il a été vu portant le cadavre d’un de ses malades sur ses épaules. Plein de gratitude pour ce qu’il avait reçu, il voulut dire son « merci » en prenant sur lui les blessures des autres. Deux exemples.

Prions pour que nos saints frères nous aident à marcher ensemble, sans murs de séparation, et à cultiver cette noblesse d’âme si agréable à Dieu qu’est la gratitude.

Source : vatican.va
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Louange du dimanche 16 octobre

SAINT JEAN EUDES (1601-1680)

Contemporain de sainte Marguerite-Marie, saint Jean Eudes est un grand apôtre du Cœur de Jésus qui développe dans la théologie et la liturgie le Cœur de Jésus et de Marie. Il laisse entendre ici son zèle ardent pour le Cœur de Jésus ainsi que sa sollicitude pour tous les hommes :

« Ô Sacré-Cœur de Jésus, je vous adore de toutes les puissances de mon âme, et je vous les consacre pour toujours, avec toutes mes pensées, mes paroles et mes œuvres; que ne puis-je, ô divin Cœur, vous rendre autant d’adorations, d’amour et de gloire que vous en rendrez à votre Père Éternel.

Soyez le réparateur de mes défauts, le protecteur de ma vie, mon asile à l’heure de ma mort; je vous demande la même grâce pour tous les pauvres pécheurs, les cœurs affligés, les agonisants, et généralement, mon Sauveur, pour tous les hommes qui sont sur la terre, afin que le prix de votre précieux Sang ne soit point perdu pour eux; faites aussi qu’il soit appliqué au soulagement des âmes du Purgatoire : c’est ce que je désire vous demander, ô Cœur adorable, par tous les battements de mon cœur et de mes veines, jusqu’au dernier soupir de ma vie.

Ainsi soit-il.»

Méditation :

Fixer ses yeux sur quelqu’un, c’est vraiment se concentrer sur qui il est, sur son identité telle qu’elle transparaît à travers les traits de son visage, de tout son corps. C’est parfois pour le reconnaître, comme la servante qui scrute le visage de Pierre se chauffant devant le brasero dans la cour du grand prêtre pendant l’interrogatoire de Jésus.

Fixer ses yeux sur une personne c’est essayer de déchiffrer le message vivant qu’est le regard de l’autre, son visage, pour établir un contact qui appelle une relation. Pour nous, regarder Jésus c’est contempler un visage habité d’une telle intensité qu’on vient y boire comme à une source. « Tous dans la synagogue avait les yeux fixés sur lui » (Luc 4)

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RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS, LES REPRÉSENTANTS DE
LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LE CORPS DIPLOMATIQUE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Monsieur le Président de la République,
Membres illustres du Gouvernement et du Corps diplomatique,
distinguées Autorités, religieuses et civiles,
éminents Représentants de la société civile et du monde de la culture,
Mesdames et Messieurs !

Je vous salue cordialement et je remercie Monsieur le Président pour les paroles qu’il m’a adressées. Je suis heureux d’être ici, sur cette terre si belle, si vaste, si luxuriante, qui embrasse, au nord, la forêt équatoriale ; au centre et vers le sud, les hauts plateaux et les savanes arborées ; à l’est, les collines, les montagnes, les volcans et les lacs ; à l’ouest les grandes étendues d’eaux, avec le fleuve Congo qui rejoint l’océan. Dans votre pays, qui est comme un continent dans le grand continent africain, on a l’impression que la terre entière respire. Mais, si la géographie de ce poumon vert est riche et variée, l’histoire n’a pas été aussi généreuse. Tourmentée par la guerre, la République Démocratique du Congo continue de subir à l’intérieur de ses frontières des conflits et des migrations forcées, et à souffrir de terribles formes d’exploitation, indignes de l’homme et de la création. Ce pays immense et plein de vie, ce diaphragme de l’Afrique, frappé par la violence comme par un coup de poing dans l’estomac, semble depuis longtemps avoir perdu son souffle. Monsieur le Président, vous avez mentionné ce génocide oublié dont souffre la République du Congo.

Et tandis que vous, Congolais, vous luttez pour sauvegarder votre dignité et votre intégrité territoriale contre les méprisables tentatives de fragmentation du pays, je viens à vous, au nom de Jésus, comme un pèlerin de réconciliation et de paix. J’ai beaucoup désiré me trouver ici et je viens enfin vous apporter la proximité, l’affection et la consolation de toute l’Église et apprendre de votre exemple de patience, de courage et de lutte.

Je voudrais vous parler à travers une image qui symbolise bien la beauté lumineuse de cette terre : l’image du diamant. Chères femmes et chers hommes Congolais, votre pays est vraiment un diamant de la création ; mais vous, vous tous, êtes infiniment plus précieux que toutes les choses bonnes qui sortent de ce sol fertile ! Je suis ici pour vous étreindre et vous rappeler que vous avez une valeur inestimable, que l’Église et le Pape ont confiance en vous, qu’ils croient en votre avenir, un avenir qui soit entre vos mains et dans lequel vous méritiez de déverser vos dons d’intelligence, de sagacité et d’assiduité. Courage, frère et sœur congolais ! Relève-toi, reprends dans tes mains, comme un diamant très pur, ce que tu es, ta dignité, ta vocation à garder en harmonie et en paix la maison que tu habites. Revis l’esprit de ton hymne national, en rêvant et en mettant en pratique ses paroles : « Par le dur labeur, nous bâtirons un pays plus beau qu’avant, dans la paix ».

Chers amis, les diamants, généralement rares, abondent ici. Si cela vaut pour les richesses matérielles cachées sous la terre, cela vaut à plus forte raison pour les richesses spirituelles enfermées dans vos cœurs. Et c’est précisément à partir des cœurs que la paix et le développement sont possibles car, avec l’aide de Dieu, les êtres humains sont capables de justice et de pardon, de concorde et de réconciliation, d’engagement et de persévérance pour mettre à profit les talents reçus. Dès le début de mon voyage, je souhaite donc lancer un appel : que chaque Congolais se sente appelé à jouer son rôle ! Que la violence et la haine n’aient plus de place dans le cœur et sur les lèvres de quiconque, car ce sont des sentiments inhumains et anti-chrétiens qui paralysent le développement et ramènent en arrière, vers un sombre passé.

En parlant de frein au développement et de retour au passé, il est tragique que ces lieux, et plus généralement le continent africain, souffrent encore de diverses formes d’exploitation. Il y a cette devise qui sort de l’inconscient de tant de cultures et de tant de personnes : “L’Afrique doit être exploitée”, cela est terrible ! Après le colonialisme politique, un “colonialisme économique” tout aussi asservissant s’est déchainé. Ce pays, largement pillé, ne parvient donc pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources : on en est arrivé au paradoxe que les fruits de sa terre le rendent “étranger” à ses habitants. Le poison de la cupidité a ensanglanté ses diamants. C’est un drame devant lequel le monde économiquement plus avancé ferme souvent les yeux, les oreilles et la bouche. Mais ce pays et ce continent méritent d’être respectés et écoutés, ils méritent espace et attention : Retirez vos mains de la République Démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser. Que l’Afrique soit protagoniste de son destin ! Que le monde se souvienne des désastres commis au cours des siècles au détriment des populations locales et qu’il n’oublie pas ce pays ni ce continent. Que l’Afrique, sourire et espérance du monde, compte davantage : qu’on en parle davantage, qu’elle ait plus de poids et de représentation parmi les nations !

Une diplomatie de l’homme pour l’homme, des peuples pour les peuples, doit se déployer, selon laquelle les opportunités de croissance des personnes soient au centre, et non le contrôle des zones et des ressources, les visées d’expansion et l’augmentation des profits.

En regardant ce peuple, on a l’impression que la Communauté internationale s’est presque résignée à la violence qui le dévore. Nous ne pouvons pas nous habituer au sang qui coule dans ce pays, depuis des décennies désormais, faisant des millions de morts à l’insu de beaucoup. Il faut que l’on sache ce qui se passe ici, que les processus de paix en cours, – que j’encourage de toutes mes forces – soient soutenus dans les faits et que les engagements soient tenus. Grâce à Dieu, il y en a qui contribuent au bien de la population locale et à un réel développement à travers des projets efficaces: non pas des interventions de pure assistance, mais des plans visant à une croissance intégrale. J’exprime toute ma gratitude aux pays et aux organisations qui fournissent des aides substantielles en ce sens, en contribuant à la lutte contre la pauvreté et les maladies, soutenant l’État de droit et promouvant le respect des droits humains. Je forme le vœu qu’ils puissent continuer à jouer pleinement et courageusement ce noble rôle.

Revenons à l’image du diamant. Une fois travaillé, sa beauté provient également de sa forme, de ses nombreuses facettes harmonieusement disposées. Ce pays, riche de son pluralisme typique, a lui aussi un caractère polyédrique. C’est une richesse qui doit être conservée, en évitant de glisser dans le tribalisme et la confrontation. Prendre obstinément parti pour sa propre ethnie ou pour des intérêts particuliers, alimentant des spirales de haine et de violence, tourne au détriment de tous en bloquant la nécessaire “chimie de l’ensemble”. À propos de chimie, il est intéressant de noter que les diamants sont constitués des seuls atomes de carbone, lesquels, s’ils étaient reliés différemment, formeraient du graphite. La différence entre la luminosité d’un diamant et l’obscurité du graphite provient de la manière dont les atomes individuels sont disposés dans le réseau cristallin. Cette métaphore exprime le fait que le problème n’est pas la nature des hommes ou des groupes ethniques et sociaux, mais la manière dont on décide d’être ensemble. La volonté ou non de se rencontrer, de se réconcilier et de recommencer fait la différence entre l’obscurité du conflit et un avenir lumineux de paix et de prospérité.

Chers amis, le Père céleste veut que nous sachions nous accueillir comme les frères et sœurs d’une même famille, et travailler à un avenir qui soit avec les autres et non contre les autres. “Bintu bantu” : c’est ainsi que l’un de vos proverbes rappelle très bien que, la vraie richesse, ce sont les personnes et les bonnes relations entre elles. En particulier, les religions, avec leur patrimoine de sagesse, sont appelées à y contribuer, par un effort quotidien de renoncement à toute agressivité, prosélytisme et contrainte, qui sont des moyens indignes de la liberté humaine. Quand on en vient à imposer, en allant à la chasse aux fidèles, de manière aveugle par la ruse ou par la force, on ravage la conscience d’autrui et on tourne le dos au vrai Dieu, parce que – ne l’oublions pas – « là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté » (2 Co 3, 17) e là où il n’y a pas de liberté, il n’y a pas l’Esprit du Seigneur. Les membres de la société civile, dont certains sont ici présents, jouent également un rôle essentiel dans la construction d’un avenir de paix et de fraternité. Ils ont souvent démontré qu’ils savaient s’opposer à l’injustice et au délabrement, au prix de grands sacrifices, pour défendre les droits humains, la nécessité d’une éducation solide pour tous et une vie plus digne pour chacun. Je remercie sincèrement les femmes et les hommes, en particulier les jeunes de ce pays, qui ont souffert à divers degrés pour cela, et je leur rends hommage.

Le diamant, dans sa transparence, réfracte admirablement la lumière qu’il reçoit. Beaucoup d’entre vous brillent par le rôle qu’ils jouent. Celui qui détient des responsabilités civiles et gouvernementales est appelé à agir avec une clarté cristalline, en vivant la fonction reçue comme un moyen de servir la société. Le pouvoir n’a de sens en effet que s’il devient service. Combien il est important d’agir dans cet esprit, en fuyant l’autoritarisme, la recherche de gains faciles et la soif d’argent que l’apôtre Paul désigne comme « la racine de tous les maux » (1 Tm 6, 10). Et en même temps, favoriser des élections libres, transparentes, crédibles ; étendre davantage aux femmes, aux jeunes et à différents groupes, aux groupes marginalisés, la participation aux processus de paix; rechercher le bien commun et la sécurité des personnes plutôt que les intérêts personnels ou de groupes ; renforcer la présence de l’État partout sur le territoire ; prendre soin des si nombreuses personnes déplacées et réfugiées. Que l’on ne se laisse pas manipuler, et moins encore acheter, par ceux qui veulent maintenir le pays dans la violence afin de l’exploiter et de faire des affaires honteuses : cela n’apporte que discrédit et honte, avec la mort et la misère. Au contraire, il est bon de se rapprocher des personnes pour se rendre compte de la manière dont ils vivent. Elles font confiance lorsqu’elles sentent que les gouvernants sont réellement proches, non pas par calcul ou par exhibition, mais par service.

Dans la société, ce sont souvent les ténèbres de l’injustice et de la corruption qui obscurcissent la lumière du bien. Il y a des siècles, saint Augustin, né sur ce continent, se demandait déjà : « Si la justice n’est pas respectée, que sont les États, sinon des bandes de voleurs ? » (De civ. Dei, IV, 4). Dieu est du côté de ceux qui ont faim et soif de justice (cf. Mt 5, 6). Il ne faut pas se lasser de promouvoir dans tous les domaines le droit et l’équité, en luttant contre l’impunité et la manipulation des lois et de l’information.

Un diamant sort de la terre authentique mais brut, nécessitant un travail. De même, les diamants les plus précieux de la terre congolaise que sont les enfants de cette nation doivent pouvoir bénéficier de véritables opportunités éducatives qui leur permettent de mettre pleinement à profit leurs brillants talents. L’éducation est fondamentale : elle est la voie de l’avenir, la route à emprunter pour atteindre la pleine liberté de ce pays comme du continent africain. Il est urgent d’y investir afin de préparer des sociétés qui seront fortes si elles sont bien instruites, autonomes si elles sont pleinement conscientes de leurs potentialités et capables de les développer avec responsabilité et persévérance. Mais beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école : combien, au lieu de recevoir une éducation digne de ce nom, sont exploités ! Trop d’entre eux meurent, soumis à des travaux asservissants dans les mines. Aucun effort ne doit être ménagé pour dénoncer le fléau du travail des enfants et y mettre fin. Combien de filles sont marginalisées et violées dans leur dignité ! Les enfants, les jeunes filles, les jeunes sont le présent de l’espérance, ils sont l’espérance : ne permettons pas que celle-ci soit effacée, cultivons-la avec passion !

Le diamant, don de la terre, appelle à la sauvegarde de la création, à la protection de l’environnement. Située au cœur de l’Afrique, la République Démocratique du Congo abrite l’un des plus grands poumons verts du monde, qui doit être préservé. Comme pour la paix et pour le développement, dans ce domaine également une collaboration large et fructueuse est importante, permettant d’intervenir efficacement, sans imposer des modèles extérieurs plus utiles à ceux qui aident qu’à ceux qui sont aidés. Nombreux sont ceux qui ont demandé à l’Afrique de s’engager et qui ont offert des aides afin de lutter contre le changement climatique et le coronavirus. Ce sont certainement des opportunités à saisir, mais il y a surtout besoin de modèles sanitaires et sociaux qui ne répondent pas seulement aux urgences du moment mais contribuent à une croissance sociale effective : des structures solides et du personnel honnête et compétent pour surmonter les graves problèmes comme la faim et les maladies qui entravent le développement à sa naissance.

Enfin, le diamant est le minéral d’origine naturelle qui présente la plus grande dureté. Sa résistance aux produits chimiques est très grande. La répétition continuelle des attaques violentes ainsi que les nombreuses situations de détresse pourraient affaiblir la résistance des Congolais, miner leur force d’âme, les conduire à se décourager et à s’enfermer dans la résignation. Mais, au nom du Christ qui est le Dieu de l’espérance, le Dieu de toute possibilité qui donne toujours la force de recommencer, au nom de la dignité et de la valeur des diamants les plus précieux de cette terre que sont ses habitants, je voudrais inviter chacun à un nouveau départ social courageux et inclusif. L’histoire lumineuse mais blessée du pays l’exige, les jeunes et les enfants en particulier l’implorent. Je suis avec vous et j’accompagne par la prière et la proximité tout effort pour un avenir pacifique, harmonieux et prospère de ce grand pays. Que Dieu bénisse la nation congolaise tout entière !

 

Source : vatican.va
Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana

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RENCONTRE AVEC LES JEUNES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

 

Dicsértessék a Jézus Krisztus! [Loué soit Jésus-Christ !]

Chers frères et sœurs, je voudrais vous dire köszönöm ! [Merci] Merci pour la danse, merci pour le chant, pour vos témoignages courageux, et merci à chacun d’être ici : je suis heureux d’être avec vous ! Merci.

Mgr Ferenc nous a dit que la jeunesse est un temps de grandes questions et de grandes réponses. C’est vrai, et il est important qu’il y ait quelqu’un pour provoquer et écouter vos questions, sans vous donner des réponses faciles, des réponses toutes faites, mais pour vous aider à relever le défi sans peur de l’aventure de la vie, à la recherche de grandes réponses. Les réponses toutes faites ne sont d’aucune utilité et ne rendent pas heureux. C’est ce que Jésus faisait. Bertalan, tu as dit que Jésus n’est pas le personnage d’un livre de fables ou le super-héros d’une bande dessinée, et c’est vrai : le Christ est Dieu dans la chair, il est le Dieu vivant qui s’approche de nous. Il est l’Ami, le meilleur des amis, il est le Frère, le meilleur des frères, et il est très adroit pour poser des questions. Dans l’Évangile, en effet, avant de donner des réponses, il pose des questions, Lui qui est le Maître. Je pense au moment où il se trouve face à cette femme adultère que tout le monde pointe du doigt. Jésus intervient, ceux qui l’accusaient s’en vont et Il reste seul avec elle. Il lui demande alors avec délicatesse : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » (Jn 8,10). Elle répond : « Personne, Seigneur ! » (v. 11). En disant cela, elle comprend que Dieu ne veut pas condamner, mais pardonner. Mettez ceci dans votre tête : Dieu ne veut pas condamner, mais pardonner. Dieu pardonne toujours. Comment dit-on en hongrois « Dieu pardonne toujours » ? [le traducteur le dit en hongrois et le pape le fait répéter aux jeunes] N’oubliez pas ! Il est prêt à nous relever à chaque chute ! Avec Lui, nous ne devons jamais avoir peur de marcher et d’avancer dans la vie. Pensons aussi à Marie Madeleine qui, au matin de Pâques, a été la première à voir Jésus ressuscité – et elle avait une histoire cette femme-là ! Mais elle a été la première à la voir. Elle pleure près du tombeau vide et Jésus lui demande : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » (Jn 20,15). Alors, touchée au plus profond d’elle-même, Marie de Magdala ouvre son cœur, elle lui dit ses angoisses, révèle ses désirs et son amour :  » Où est le Seigneur ? « .

Et regardons la première rencontre de Jésus avec ceux qui deviendront ses disciples. Deux d’entre eux, orientés par Jean Baptiste, le suivent. Le Seigneur se retourne et pose une seule question : « Que cherchez-vous ? » (Jn 1,38). Moi aussi, je pose une question, et chacun y répond dans son cœur, en silence. Ma question est la suivante : « Que cherchez-vous ? Que cherchez-vous dans la vie ? Que cherches-tu dans ton cœur ? » En silence, chacun répond en son for intérieur. Qu’est-ce que je cherche ? Jésus ne prêche pas tant, non il chemine, il chemine avec chacun d’entre nous ; Jésus chemine près de chacun d’entre nous. Il ne veut pas que ses disciples soient des écoliers qui répètent une leçon, mais qu’ils soient des jeunes libres et qu’ils cheminent, compagnons de route d’un Dieu qui écoute, qui écoute leurs besoins et qui est attentif à leurs rêves. Puis, au bout d’un certain temps, deux jeunes disciples se fourvoient – les disciples de Jésus se sont tellement trompés ! – et ils adressent à Jésus une mauvaise requête, à savoir être à sa droite et à sa gauche lorsqu’Il deviendra Roi – ils voulaient s’élever, ceux-là ! Mais il est intéressant de voir que Jésus ne leur reproche pas d’avoir osé, il ne leur dit pas : « Comment vous permettez-vous, arrêtez de rêver de telles choses ! ». Non, Jésus ne détruit pas leurs rêves, mais il les corrige sur la manière de les réaliser. Il accepte leur désir d’atteindre les sommets – c’est une bonne chose – mais il insiste sur une chose, dont il faut bien se souvenir : on ne devient pas grand en dépassant les autres, mais en s’abaissant vers les autres ; non pas aux dépens des autres, mais en servant les autres (cf. Mc 10, 35-45). [le Pape demande au traducteur de répéter la dernière phrase en hongrois] Vous avez compris ? Vous voyez, chers amis, Jésus est heureux que nous atteignons de grands objectifs. Il ne nous veut pas paresseux ni peureux, il ne nous veut pas silencieux ni timides, il nous veut vivants, actifs, protagonistes, protagonistes de l’histoire. Et il ne dévalorise jamais nos attentes mais, au contraire, il élève la barre de nos désirs. Jésus serait d’accord avec un de vos proverbes, que j’espère bien prononcer : Aki mer az nyer [Celui qui ose gagne].

Vous pouvez me demander : comment devenir vainqueurs dans la vie ? Il y a deux étapes fondamentales, comme dans le sport : premièrement, viser haut ; deuxièmement, s’entraîner. Viser haut.  Dis-moi, as-tu un talent ? Tu en as certainement un, nous en avons tous ! Ne le mets pas de côté en pensant qu’il te suffit du minimum indispensable pour être heureux : un diplôme, un travail pour gagner de l’argent, se divertir un peu… Non, mets ce que tu as en jeu ! Tu as une qualité ? Investis-y sans crainte, vas-y ! Tu sens au fond du cœur que tu as une capacité qui peut faire grand bien ? Sens-tu qu’il est bon d’aimer le Seigneur, de fonder une famille nombreuse, d’aider ceux qui sont dans le besoin ? Vas-y, ne pense pas que ce sont des désirs inaccessibles, mais investis dans les grands objectifs de la vie ! Ça c’est la première étape, viser haut. Et la seconde : s’entrainer. Comment ? En dialoguant avec Jésus, qui est le meilleur entraineur possible. Il t’écoute, Il te motive, Il croit en toi, tu sais, Jésus croit en toi ! Il sait faire ressortir le meilleur de toi-même. Et il invite toujours à faire équipe : jamais seul, mais avec d’autres : c’est très important. Si tu veux mûrir et grandir dans la vie, va de l’avant en faisant équipe, dans la communauté, en vivant des expériences communes. Je pense, par exemple, aux Journées Mondiales de la Jeunesse et je profite de l’occasion pour vous inviter aux prochaines qui auront lieu au Portugal, à Lisbonne, au début du mois d’août. Aujourd’hui, la tentation est grande de se contenter d’un téléphone portable et de quelques amis – peu de choses, en somme ! Mais, même si c’est ce que beaucoup font, même si c’est ce que tu as envie de faire, ce n’est pas bon. Tu ne peux pas t’enfermer dans un petit groupe d’amis et ne communiquer qu’avec ton téléphone portable : c’est – permettez-moi l’expression – un peu débile.

Il y a aussi un élément important dans l’entrainement et toi, Krisztina, tu nous l’as rappelé en disant qu’au milieu de mille courses, de tant de frénésie et de vitesse, une chose essentielle manque aujourd’hui aux jeunes, et aussi aux adultes. Tu as dit : « Dans le bruit nous ne nous accordons pas de temps pour le silence, parce que nous avons peur de la solitude et nous finissons par être fatigués tous les jours ». Tu l’as dit, Krisztina : merci. Je voudrais vous dire : n’ayez pas peur d’aller à contre-courant, de trouver chaque jour un temps de silence pour vous arrêter et prier. Aujourd’hui, tout vous dit qu’il faut être rapides, efficaces, pratiquement parfaits, comme des machines ! Mais, les amis, nous ne sommes pas des machines ! Et puis nous nous rendons compte que nous sommes souvent en panne d’essence et que nous ne savons plus quoi faire. Il est bon de pouvoir s’arrêter pour faire le plein, pour recharger les batteries. Mais attention : non pas pour se plonger dans ses mélancolies ou ruminer ses tristesses, non pas pour penser à qui m’a fait ceci ou cela, en faisant des théories sur le comportement des autres, non, ce n’est pas bon! C’est un poison, il ne faut pas le faire.

Le silence est le terrain sur lequel on peut cultiver des relations bénéfiques, parce qu’il nous permet de confier à Jésus ce que nous vivons, de Lui apporter des visages et des noms, de Lui confier nos peines, de passer en revue nos amis et de dire une prière pour eux. Le silence nous donne l’occasion de lire une page de l’Évangile qui parle à notre vie, d’adorer Dieu et de trouver ainsi la paix du cœur. Le silence permet de prendre ce livre que tu n’es pas obligé de lire, mais qui t’aide à lire l’âme humaine, à observer la nature pour ne pas être seulement en contact avec les choses faites par les hommes et à découvrir la beauté qui nous entoure. Mais le silence n’est pas fait pour rester collé aux téléphones portables et aux réseaux sociaux ; non, s’il te plaît : la vie est réelle, pas virtuelle, elle ne se passe pas sur un écran, la vie se passe dans le monde ! S’il te plaît, ne virtualises pas la vie ! Je répète : ne virtualises pas la vie, qui est concrète. Compris ?

Le silence est donc la porte de la prière, et la prière est la porte de l’amour. Dóra, je voudrais te remercier parce que tu as parlé de la foi comme d’une histoire d’amour- cela est beau, c’est ton expérience -, où chaque jour tu affrontes les difficultés de l’adolescence. Mais tu sais qu’il y a Quelqu’un avec toi, Quelqu’un pour toi, et que ce Quelqu’un, Jésus, n’a pas peur de surmonter avec toi tous les obstacles que tu rencontres. La prière t’aide à le faire parce qu’elle est un dialogue avec Jésus, tout comme la Messe est une rencontre avec Lui, et la Confession est l’étreinte que tu reçois de Lui. Je pense au grand musicien Franz Liszt. En nettoyant son piano, on a trouvé des grains de chapelet qui, sans doute en se cassant, sont probablement tombés dans l’instrument. C’est un indice qui nous fait penser qu’avant une composition ou une exécution, peut-être même après un moment de plaisir au piano, il avait l’habitude de prier : il parlait au Seigneur, parlait à la Vierge de ce qu’il aimait, et il mettait son art et ses talents dans la prière. Prier n’est pas ennuyeux ! C’est nous qui le rendons ennuyeux. Prier est une rencontre, une rencontre avec le Seigneur : c’est beau cela. Et lorsque vous priez, n’ayez pas peur d’apporter à Jésus tout ce qui se passe dans votre monde intérieur : vos affections, vos craintes, vos problèmes, vos attentes, vos souvenirs, vos espoirs, tout, même vos péchés. Il comprend tout. La prière est dialogue de vie, la prière est vie. Bertalan, aujourd’hui tu n’as pas eu honte de parler à tout le monde de l’anxiété qui te paralyse parfois et des difficultés à approcher de la foi. Qu’il est beau d’avoir le courage de la vérité, qui ne consiste pas à montrer que l’on n’a jamais peur, mais à s’ouvrir et à partager ses fragilités avec le Seigneur et avec les autres, sans cacher, sans déguiser, sans porter de masques. Merci pour ton témoignage, Bertalan, merci ! Le Seigneur, comme nous le dit l’Évangile à chaque page, ne fait pas de grandes choses avec des personnes extraordinaires, mais avec des personnes vraies, limitées comme nous. En revanche, ceux qui se fient à leurs propres capacités et qui vivent d’apparences, tiennent Dieu loin du cœur, parce qu’ils ne s’occupent que d’eux. Avec ses questions, son amour et son Esprit, Jésus creuse en nous afin de faire de nous des personnes vraies. Et nous avons tellement besoin de personnes vraies aujourd’hui ! Je vous dit une chose : savez-vous quel est le danger aujourd’hui ? D’être une personne fausse. S’il te plaît, ne sois jamais une personne fausse, sois toujours une personne vraie, avec ta propre vérité ! « Eh, Père, j’ai honte parce que ma réalité n’est pas bonne, vous savez, Père, j’ai mes propres choses à l’intérieur… ». Regarde devant toi, vers le Seigneur, prends courage ! Le Seigneur nous veut tels que nous sommes, tels que nous sommes maintenant, Il nous aime tels que nous sommes. Prends courage et va de l’avant ! Ne vous effrayez pas de vos misères.

Et à cet égard, nous avons été frappés par ce que tu as dit, Tódor, à commencer par ton nom, que tu portes en l’honneur du bienheureux Théodore, grand confesseur de la foi qui nous appelle à ne pas vivre dans la demi-mesure. Tu as voulu « tirer la sonnette d’alarme », en disant que le zèle pour la mission est anesthésié par le fait que nous vivons dans la sécurité et le confort, alors qu’à quelques kilomètres d’ici, la guerre et la souffrance sont à l’ordre du jour. Voici donc une invitation : prendre la vie en main pour aider le monde à vivre en paix. Laissons-nous être dérangés et demandons-nous, chacun : que fais-je pour les autres, que fais-je pour la société, que fais-je pour l’Église, que fais-je pour mes ennemis ? Est-ce que je vis en pensant à mon propre bien ou est-ce que je m’implique pour quelqu’un, sans calculer mes propres intérêts ? S’il vous plaît, interrogeons-nous sur notre gratuité, sur notre capacité à aimer, aimer selon Jésus, c’est-à-dire aimer et servir.

Chers amis, il y a une dernière chose que je voudrais partager avec vous, une page de l’Évangile qui résume ce que nous avons dit. Il y a un an et demi, j’étais ici pour le Congrès Eucharistique. Dans l’Évangile de Jean, au chapitre 6, il y a une belle page eucharistique qui a pour centre un jeune homme. Elle parle d’un jeune homme qui, dans la foule, écoutait Jésus. Il savait probablement que la rencontre allait durer longtemps et il avait été prévoyant : il avait apporté son déjeuner avec lui – vous avez apporté un sandwich ? Mais Jésus a de la compassion pour la foule – ils étaient plus de 5 000 – et veut la nourrir ; alors, à sa manière, il pose des questions aux disciples pour débloquer leurs énergies. Il demande à l’un d’eux comment faire et il reçoit une réponse de « comptable » : « Le salaire de deux cents journées ne suffirait pas pour que chacun reçoive un peu de pain » (Jn 6, 7). Comme pour dire : c’est mathématiquement impossible. Un autre, entre-temps, voit ce garçon et fait une observation, mais encore pessimiste : « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » (v. 9). Au contraire, ces cinq pains et deux poissons ont suffi à Jésus pour accomplir le fameux miracle de la multiplication des pains. Chacun de nous, les petites choses que nous avons, même nos péchés, suffisent à Jésus. Et que devons-nous faire ? Les laisser entre les mains de Jésus : voilà, c’est tout.

Cependant, l’Évangile ne raconte pas un détail, qu’il laisse à notre imagination : comment les disciples ont-ils convaincu ce jeune homme de donner tout ce qu’il avait ? Peut-être lui auront-ils demandé d’apporter son repas et il aura regardé autour de lui, voyant des milliers de personnes. Et peut-être, comme eux, aura-t-il répondu en disant : « Ce n’est pas assez, pourquoi me demander, pourquoi ne vous en chargez-vous pas, vous qui êtes les disciples de Jésus? Qui suis-je ? » Alors, peut-être, lui auront-ils dit que c’était Jésus lui-même qui demandait. Et il fait une chose extraordinaire : il fait confiance. Ce garçon, qui avait pris son déjeuner pour lui, fait confiance, il donne tout, il ne garde rien pour lui. Il était venu pour recevoir de Jésus et il se retrouve à donner à Jésus. Mais c’est ainsi que le miracle se produit. Il vient du partage : la multiplication opérée par Jésus commence par le partage de ce jeune homme avec Lui et pour les autres. Le peu de ce jeune homme entre les mains de Jésus devient beaucoup. Voilà où mène la foi : à la liberté de donner, à l’enthousiasme du don, au dépassement des peurs, à l’implication ! Mes amis, chacun de vous est précieux pour Jésus, et pour moi aussi ! Rappelles-toi que personne ne peut prendre ta place dans l’histoire du monde, dans l’histoire de l’Église, personne ne peut te remplacer, personne ne peut faire ce que tu es le seul à pouvoir faire. Aidons-nous donc mutuellement à croire que nous sommes aimés et précieux, que nous sommes faits pour de grandes choses. Prions pour cela et encourageons-nous les uns les autres ! Et n’oubliez pas de me faire du bien par vos prières. Köszönöm! [merci!].

 

Source : vatican.va
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Dimanche dernier, le pape François a commenté l’Evangile du Jeune homme riche. Voici un court extrait de son homélie.

« L’Evangile s’ouvre par le récit d’une rencontre. Un homme va à la rencontre de Jésus, s’agenouille devant lui, et pose une question décisive : « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la Vie éternelle ? » (v. 17) Une demande aussi importante réclame de l’attention, du temps, de la disponibilité à rencontrer l’autre et à se laisser interpeller par son inquiétude. De fait, le Seigneur ne se met pas à distance, il ne se montre pas agacé ou dérangé ; au contraire, il s’arrête avec lui. Il est disponible à la rencontre. Rien ne le laisse indifférent, tout le passionne. Rencontrer les visages, croiser les regards, partager l’histoire de chacun : voilà la proximité de Jésus. Il sait qu’une rencontre peut changer une vie. Et l’Evangile est parsemé de ces rencontres avec le Christ qui relèvent et guérissent. Jésus n’était pas pressé, il ne regardait pas sa montre pour terminer la rencontre en avance. Il était toujours au service de la personne qu’il rencontrait, pour l’écouter. »

L’élection d’Israël

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Jour 26 – Relire la Parole de Dieu

—- Job —-

Nous vous proposons aujourd’hui de prendre le temps de relire ces passages de la Bible : Job 1-2 ; Job 3 ; Job 19 ; Job 38-39 ; Job 42

Si vous n’avez pas de Bible avec vous, cliquez sur ce lien 👇

Jour 8 en audio

Retrouvez les grandes figures de l’histoire de l’Église au fil des siècles et leurs liens au Sacré-Cœur. Ce dernier est bien plus vaste que ce que nous en percevons : Il habite votre cœur et Il a habité le cœur de bien des Saints auparavant !

Retrouvez les grandes figures de l’histoire de l’Église au fil des siècles et leurs liens au Sacré-Cœur. Ce dernier est bien plus vaste que ce que nous en percevons : Il habite votre cœur et Il a habité le cœur de bien des Saints auparavant !

Retrouvez les grandes figures de l’histoire de l’Église au fil des siècles et leurs liens au Sacré-Cœur. Ce dernier est bien plus vaste que ce que nous en percevons : Il habite votre cœur et Il a habité le cœur de bien des Saints auparavant !

Retrouvez les grandes figures de l’histoire de l’Église au fil des siècles et leurs liens au Sacré-Cœur. Ce dernier est bien plus vaste que ce que nous en percevons : Il habite votre cœur et Il a habité le cœur de bien des Saints auparavant !

Catéchèse sur la vieillesse
5. Fidélité à la visite de Dieu pour la génération future

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre itinéraire catéchétique sur le thème de la vieillesse, nous contemplons aujourd’hui le tableau de tendresse dépeint par l’évangéliste Saint Luc, qui met en scène deux figures d’anciens, Siméon et Anne. Leur raison de vivre, avant de prendre congé de ce monde, est l’attente de la visite de Dieu. Ils étaient dans l’attente que Dieu vienne les visiter, c’est-à-dire Jésus. Siméon sait, par une prémonition de l’Esprit Saint, qu’il ne mourra pas avant d’avoir vu le Messie. Anne fréquente le temple tous les jours, en se consacrant à son service. Tous deux reconnaissent la présence du Seigneur dans l’enfant Jésus, qui comble de consolation leur longue attente et donne sérénité à leur fin de vie. C’est une scène de rencontre avec Jésus, et d’adieu.

Que pouvons-nous apprendre de ces deux figures d’anciens pleins de vitalité spirituelle ?

En même temps, nous apprenons que la fidélité de l’attente affine les sens. Du reste, nous le savons, c’est exactement ce que fait le Saint-Esprit : il illumine les sens. Dans l’ancien hymne Veni Creator Spiritus, avec lequel nous invoquons encore aujourd’hui l’Esprit Saint, nous disons : « Accende lumen sensibus », mets en nous ta clarté, embrase-nous, illumine nos sens. L’Esprit est capable de faire cela : il aiguise les sens de l’âme, malgré les limites et les blessures des sens du corps. La vieillesse affaiblit, d’une manière ou d’une autre, le corps dans sa matérialité : l’un est plus aveugle, l’autre plus sourd…. Cependant, une vieillesse qui s’est préparée dans l’attente de la visite de Dieu ne manquera pas son passage : mieux elle sera même plus prompte à l’accueillir, elle aura plus de sensibilité pour accueillir le Seigneur quand il passe. Rappelons-nous que l’attitude du chrétien est d’être attentif aux visites du Seigneur, parce que le Seigneur passe, dans notre vie, avec des inspirations, avec l’invitation à être meilleur. Et Saint Augustin disait :  » J’ai peur de Dieu quand il passe  » –  » Mais comment, tu as peur ? « . – « Oui, j’ai peur de ne pas m’en rendre compte et de le laisser passer ». C’est l’Esprit Saint qui prépare nos sens pour comprendre quand le Seigneur nous rend visite, comme il l’a fait avec Siméon et Anne.

Aujourd’hui, nous en avons plus que jamais besoin : nous avons besoin d’une vieillesse dotée de sens spirituels vifs et capable de reconnaître les signes de Dieu, voire le Signe de Dieu, qui est Jésus. Un signe qui nous met en crise, toujours : Jésus nous met en crise parce qu’il est « signe de contradiction » (Lc 2,34) – mais qui nous remplit d’allégresse. Parce que la crise ne t’apporte pas nécessairement la tristesse, non : être en crise tout en servant le Seigneur te donne une paix et une joie, bien souvent. L’anesthésie des sens spirituels – et c’est malheureux – l’anesthésie des sens spirituels, dans l’excitation et l’étourdissement de ceux du corps, est un syndrome répandu dans une société qui cultive l’illusion de l’éternelle jeunesse, et son trait le plus dangereux est qu’elle n’en a même pas conscience. On ne se rend pas compte d’être anesthésié. Et ça arrive. Ça arrive. Cela arrive depuis toujours et cela arrive à notre époque. Les sens anesthésiés, ne comprenant pas ce qui se passe ; les sens intérieurs, les sens de l’Esprit pour comprendre la présence de Dieu ou la présence du mal, anesthésiés, ne distinguent pas.

Quand tu perds la sensibilité du toucher ou du goût, tu t’en rends compte immédiatement. Au contraire, celle de l’âme, cette sensibilité de l’âme, tu peux l’ignorer pendant longtemps, vivre sans t’apercevoir que tu as perdu la sensibilité de l’âme. Il ne s’agit pas simplement de la pensée de Dieu ou de la religion. L’insensibilité des sens spirituels concerne la compassion et la pitié, la honte et le remords, la fidélité et le dévouement, la tendresse et l’honneur, la responsabilité envers soi-même et le souci pour autrui. C’est curieux : l’insensibilité ne te fait pas saisir la compassion, elle ne te fait pas saisir la pitié, elle ne te fait pas sentir la honte ou le remords d’avoir fait une mauvaise chose… C’est comme ça. Les sens spirituels anesthésiés confondent tout et on ne ressent pas, spirituellement, de telles choses. Et la vieillesse devient, pour ainsi dire, la première perte, la première victime de cette perte de sensibilité. Dans une société qui exerce surtout la sensibilité pour le plaisir, l’attention envers les personnes fragiles s’amoindrit et prévaut la compétition des vainqueurs. Et ainsi se perd la sensibilité. Bien sûr, la rhétorique de l’inclusion est la formule rituelle de tout discours politiquement correct. Mais elle n’entraîne pas encore une véritable correction des pratiques de la vie commune normale : une culture de la tendresse sociale peine à se développer. Non : l’esprit de la fraternité humaine – que j’ai senti la nécessité de relancer avec force – est comme un vêtement qu’on ne porte plus, à admirer, certes, mais… dans un musée. Nous perdons la sensibilité humaine, ces mouvements de l’Esprit qui nous rendent humains.

Il est vrai que, dans la vie réelle, nous pouvons observer avec gratitude le témoignage émouvant de tant de jeunes qui honorent pleinement cette fraternité. Mais c’est là que le bât blesse : il y a un fossé, un fossé coupable, entre le témoignage de cette sève de tendresse sociale et le conformisme qui oblige la jeunesse à se raconter d’une toute autre manière. Que pouvons-nous faire pour combler ce fossé ?

De l’histoire de Siméon et Anne, mais aussi d’autres récits bibliques de la vieillesse sensible à l’Esprit, découle une indication cachée qui mérite d’être mise en évidence. En quoi consiste concrètement la révélation qui embrase la sensibilité de Siméon et d’Anne ? Elle consiste à reconnaître dans un enfant, qu’ils n’ont pas engendré et qu’ils voient pour la première fois, le signe certain de la visite de Dieu. Ils acceptent de ne pas être des protagonistes, mais seulement des témoins. Et quand on accepte de ne pas être protagoniste, mais de s’impliquer comme témoin, c’est bien : cet homme ou cette femme mûrit bien. Mais si toujours cette personne a le désir d’être protagoniste ou rien, jamais ne parviendra à maturité ce chemin vers la plénitude de la vieillesse. La visite de Dieu ne s’incarne pas dans leur vie, la vie de ceux qui veulent être protagonistes et jamais témoins, elle ne les porte pas sur la scène comme des sauveurs : Dieu ne prend pas chair dans leur génération, mais dans la génération future. Ils perdent l’esprit, ils perdent la volonté de vivre avec maturité et, comme on le dit habituellement, ils vivent de manière superficielle. C’est la grande génération des superficiels, qui ne se permettent pas de ressentir les choses avec la sensibilité de l’Esprit. Mais pourquoi ne se le permettent-ils pas ? En partie par paresse, et en partie parce qu’ils ne le peuvent déjà plus : ils l’ont perdu. C’est malheureux qu’une civilisation perde la sensibilité de l’Esprit. Au contraire, c’est beau quand nous trouvons des anciens comme Siméon et Anne qui conservent cette sensibilité de l’Esprit et sont capables de comprendre les diverses situations, comme ces deux ont compris cette situation qui se présentait à eux et qui était la manifestation du Messie. Aucun ressentiment ni aucune récrimination, d’ailleurs, lorsqu’ils sont dans cet état de néant, de constance [statique], dans leur assurance. Au contraire, grande émotion et grande consolation lorsque les sens spirituels sont vivants, encore. L’émotion et la consolation de pouvoir voir et annoncer que l’histoire de leur génération n’est pas perdue ou gâchée, précisément à cause d’un événement qui prend chair et se manifeste dans la génération qui suit. Et c’est ce que ressent une personne âgée lorsque ses petits-enfants, ses neveux et nièces vont parler avec elles [à elle] : elles se sentent revivre. « Ah, ma vie est toujours là ». C’est très important d’aller vers les anciens, c’est si important de les écouter. C’est tellement important de parler avec eux, parce que […] il y a cet échange de civilisation, cet échange de maturité entre jeunes et vieux. Et ainsi, notre civilisation avance de manière mature.

Seule la vieillesse spirituelle peut donner ce témoignage, humble et éblouissant, en lui conférant autorité et exemplarité pour tous. La vieillesse qui a cultivé la sensibilité de l’âme fait disparaitre toute jalousie entre les générations, tout ressentiment, toute récrimination pour un avènement de Dieu dans la génération qui suit, qui arrive comme pour accompagner sa propre fin. Et c’est ce qui arrive à un vieux ouvert avec un jeune ouvert : il fait ses adieux à la vie mais en transmettant – entre guillemets – sa vie à la nouvelle génération. Et tel est l’adieu de Siméon et d’Anne : « Maintenant, je peux m’en aller en paix ». La sensibilité spirituelle de la vieillesse est capable de briser la compétition et le conflit entre les générations de manière crédible et définitive. Elle se surpasse, cette sensibilité : les personnes âgées, avec cette sensibilité, surpassent le conflit, elles vont au-delà, elles vont vers l’unité, pas vers le conflit. C’est certes impossible pour les hommes, mais c’est possible pour Dieu. Et aujourd’hui nous en avons tant besoin, la sensibilité de l’esprit, la maturité de l’esprit, nous avons besoin de vieux sages, mûrs en esprit, qui nous donnent l’espérance pour la vie ! Merci.

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Éminence, Excellences, Mesdames et Messieurs,

je vous remercie de votre présence à notre rendez-vous habituel, qui veut être cette année une invocation à la paix, dans un monde où les divisions et les guerres se multiplient.

Je suis particulièrement reconnaissant au Doyen du Corps diplomatique, Son Excellence Monsieur Georges Poulides, pour les vœux qu’il m’a adressés au nom de tous. Mes salutations s’étendent à chacun de vous, à vos familles, à vos collaborateurs et aux peuples et Gouvernements des pays que vous représentez. À chacun de vous, et à vos Autorités, je souhaite aussi exprimer ma gratitude pour les messages de condoléances qui sont parvenus à l’occasion de la mort du Pape émérite Benoît XVI ainsi que pour la proximité manifestée lors des obsèques.

Nous venons de conclure le temps de Noël, au cours duquel les chrétiens font mémoire du mystère de la naissance du Fils de Dieu. Le prophète Isaïe l’avait annoncé en ces termes : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix » (Is 9, 5).

Votre présence affirme la valeur de la paix et de la fraternité humaine que le dialogue contribue à construire. Par ailleurs, la diplomatie a précisément pour tâche de régler les différends dans le but de favoriser un climat de collaboration réciproque et de confiance pour satisfaire des besoins communs. On peut dire qu’il s’agit d’un exercice d’humilité car entrer en relation avec l’autre, comprendre ses raisons et ses points de vue en s’opposant à l’orgueil et à l’arrogance humaine, cause de toute volonté belliqueuse, exige de sacrifier un peu d’amour-propre.

Je suis également reconnaissant pour l’attention que vos pays portent au Saint-Siège, manifestée, entre autres, au cours de l’année écoulée, par le choix de la Suisse, de la République du Congo, du Mozambique et de l’Azerbaïdjan de nommer des Ambassadeurs résidents à Rome, ainsi que par la signature de nouveaux Accords bilatéraux avec la République Démocratique de Sao Tomé et Principe et avec la République du Kazakhstan.

Je voudrais ici également rappeler que, dans le cadre d’un dialogue respectueux et constructif, le Saint-Siège et la République Populaire de Chine ont convenu de prolonger encore de deux ans la validité de l’Accord Provisoire sur la nomination des évêques, stipulé à Pékin en 2018. J’espère que cette relation de collaboration pourra se développer en faveur de la vie de l’Église catholique et du bien du peuple chinois.

En même temps, je vous renouvelle l’assurance de la pleine collaboration de la Secrétairerie d’État et des Dicastères de la Curie romaine qui, avec la promulgation de la nouvelle Constitution apostolique Prædicate Evangelium, a été réformée dans certaines de ses structures pour mieux remplir « sa fonction propre dans un esprit évangélique, en travaillant pour le bien et au service de la communion, de l’unité et de l’édification de l’Église universelle, et en répondant aux besoins du monde dans lequel l’Église est appelée à accomplir sa mission ». [1]

Chers Ambassadeurs,

cette année marque le 60 ème anniversaire de l’Encyclique Pacem in Terris de saint Jean XXIII, publiée un peu moins de deux mois avant sa mort. [2]

Aux yeux du « bon Pape », le danger d’une guerre nucléaire provoquée par la crise des missiles de Cuba d’octobre 1962, était encore présent. L’humanité était à deux doigts de son anéantissement si l’on ne parvenait pas à faire prévaloir le dialogue, consciente des effets destructeurs des armes atomiques.

Malheureusement, aujourd’hui encore, la menace nucléaire est évoquée, plongeant le monde dans la peur et l’angoisse. Je ne peux que répéter ici que la possession d’armes atomiques est immorale puisque – comme l’observait Jean XXIII – : « Qu’il y ait des hommes au monde pour prendre la responsabilité des massacres et des ruines sans nombre d’une guerre, cela peut paraître incroyable ; pourtant, on est contraint de l’avouer, une surprise, un accident suffiraient à provoquer la conflagration». [3] Sous la menace des armes nucléaires, nous sommes tous toujours perdants, tous !

De ce point de vue, l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations sur le redémarrage du Plan d’action global commun, plus connu sous le nom d’Accord sur le Nucléaire Iranien, est particulièrement préoccupante. J’espère qu’il sera possible d’arriver à une solution concrète le plus rapidement possible afin de garantir un avenir plus sûr.

La troisième guerre mondiale d’un monde globalisé est actuellement en cours. Les conflits ne touchent directement que certaines zones de la planète, mais ils impliquent en substance le monde entier. L’exemple le plus proche et le plus récent est la guerre en Ukraine, avec son cortège de morts et de destructions ; avec les attaques contre les infrastructures civiles qui font perdre la vie aux personnes non seulement à cause des bombes et des violences, mais aussi à cause de la faim et du froid. À cet égard, la Constitution conciliaire Gaudium et spes, affirme que « tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation » (n. 80). Nous ne devons pas non plus oublier que la guerre touche particulièrement les personnes les plus fragiles – enfants, personnes âgées, handicapés – et déchire les familles de manière indélébile. Je ne peux que renouveler aujourd’hui mon appel à la fin immédiate de ce conflit insensé dont les effets touchent des régions entières, même en dehors de l’Europe en raison de ses répercussions en matière d’énergie et dans le domaine de la production alimentaire, notamment en Afrique et au Moyen-Orient.

La troisième guerre mondiale par morceaux que nous vivons nous amène à regarder d’autres théâtres de tensions et de conflits. Cette année encore, nous voyons avec grande douleur la Syrie telle une terre martyrisée. La renaissance de ce pays doit passer par les réformes nécessaires, y compris constitutionnelles, visant à redonner espoir au peuple syrien affligé par une pauvreté toujours plus grande, en évitant que les sanctions internationales imposées n’affectent la vie quotidienne d’une population qui a déjà tant souffert.

Le Saint-Siège suit également avec inquiétude l’aggravation de la violence entre Palestiniens et Israéliens, avec pour conséquence dramatique de nombreuses victimes et une absence totale de confiance mutuelle. Jérusalem, ville sainte pour les juifs, les chrétiens et les musulmans, est particulièrement touchée. Sa vocation, inscrite dans son nom, est d’être la Ville de la Paix, mais elle est malheureusement le théâtre d’affrontements. J’espère qu’elle pourra retrouver cette vocation d’être un lieu et un symbole de rencontre et de coexistence pacifique, et que l’accès et la liberté de culte dans les Lieux Saints continueront à être garantis et respectés selon le statu quo. Dans le même temps, j’espère que les Autorités de l’État d’Israël et celles de l’État de Palestine pourront retrouver le courage et la détermination de dialoguer directement afin de mettre en œuvre la solution des deux États dans tous ses aspects, conformément au droit international et aux résolutions des Nations Unies en la matière.

Comme vous le savez, à la fin de ce mois, je pourrai enfin me rendre en pèlerinage pour la paix en République Démocratique du Congo, avec l’espérance que cesse la violence dans l’Est du pays et que la voie du dialogue ainsi que la volonté de travailler pour la sécurité et le bien commun prévalent. Le pèlerinage se poursuivra au Sud-Soudan, où je serai accompagné de l’Archevêque de Canterbury et du Modérateur général de l’Église presbytérienne d’Écosse. Ensemble, nous souhaitons nous joindre au cri de paix du peuple et contribuer au processus de réconciliation nationale.

Nous ne devons pas non plus oublier d’autres situations où les conséquences de conflits non encore résolus continuent de peser. Je pense en particulier à la situation dans le Caucase du Sud. J’exhorte les parties à respecter le cessez-le-feu, en réaffirmant que la libération des prisonniers militaires et civils serait un pas important vers un accord de paix désiré.

Je pense également au Yémen, où le cessez-le-feu conclu en octobre dernier tient bon mais où de nombreux civils continuent de mourir à cause des mines, et à l’Éthiopie où j’espère que le processus de pacification se poursuivra et que l’engagement de la Communauté internationale à faire face à la crise humanitaire qui touche le pays sera renforcé.

Je suis également avec appréhension la situation en Afrique de l’Ouest, de plus en plus affligée par les violences du terrorisme. Je pense notamment aux drames que vivent les populations du Burkina Faso, du Mali et du Nigeria, et je souhaite que les processus de transition en cours au Soudan, au Mali, au Tchad, en Guinée et au Burkina Faso se déroulent dans le respect des aspirations légitimes des populations concernées.

Je suis également avec une attention particulière la situation au Myanmar qui connaît, depuis deux ans, la violence, la douleur et la mort. J’invite la Communauté internationale à œuvrer pour que les processus de réconciliation se concrétisent, et j’exhorte toutes les parties concernées à reprendre la voie du dialogue pour redonner espoir à la population de ce pays bien-aimé.

Enfin, je pense à la péninsule coréenne, pour laquelle j’espère que la bonne volonté et l’engagement en faveur de la concorde ne feront pas défaut, pour construire la paix tant désirée et pour la prospérité de l’ensemble du peuple coréen.

Tous les conflits mettent en évidence les conséquences meurtrières d’un recours continuel à la production d’armements nouveaux et de plus en plus sophistiqués, parfois justifiée « en répétant que la paix ne serait assurée que moyennant l’équilibre des forces armées ». [4] Il est nécessaire de rompre cette logique et d’avancer sur la voie d’un désarmement intégral, car aucune paix n’est possible là où se répandent des instruments de mort.

Chers Ambassadeurs,

en des temps aussi conflictuels, nous ne pouvons éluder la question de savoir comment il est possible de retisser les fils de la paix. Par où commencer ?

Pour esquisser une réponse, je voudrais reprendre avec vous quelques éléments de Pacem in Terris, un texte d’une grande actualité même si le contexte international a beaucoup changé. Pour saint Jean XXIII, la paix est possible à la lumière de quatre biens fondamentaux : la vérité, la justice, la solidarité et la liberté. Ce sont ces piliers qui régissent les relations aussi bien entre les êtres humains individuels qu’entre les communautés politiques. [5]

Ces dimensions sont imbriquées dans le postulat fondamental selon lequel « tout être humain est une personne, c’est-à-dire une nature douée d’intelligence et de volonté libre. Par là même, il est sujet de droits et de devoirs découlant, les uns et les autres, ensemble et immédiatement, de sa nature : aussi sont-ils universels, inviolables, inaliénables ». [6]

Paix dans la Vérité

Construire la paix dans la vérité, c’est d’abord respecter la personne humaine, avec son « droit à l’existence et à l’intégrité physique », [7] à laquelle « la liberté dans la recherche de la vérité, dans l’expression et la diffusion de la pensée » [8] doit être garantie. Cela implique qu’ « il incombe aux pouvoirs publics de contribuer à la création d’un état de choses qui facilite à chacun la défense de ses droits et l’accomplissement de ses devoirs ». [9]

Malgré les engagements pris par tous les États de respecter les droits humains et les libertés fondamentales de toute personne, aujourd’hui encore, les femmes sont considérées comme des citoyens de seconde classe dans de nombreux pays. Elles sont victimes de violences et d’abus et se voient refuser la possibilité d’étudier, de travailler, d’exprimer leurs talents, l’accès aux soins de santé et même à la nourriture. Au contraire, lorsque les droits humains sont pleinement reconnus pour tous, les femmes peuvent apporter leur contribution irremplaçable à la vie sociale et être les premières alliées de la paix.

La paix exige avant tout que la vie soit défendue, un bien qui est aujourd’hui mis en danger non seulement par les conflits, la faim et les maladies, mais aussi, trop souvent, par le ventre maternel qui revendique un prétendu « droit à l’avortement ». Personne ne peut revendiquer de droits sur la vie d’un autre être humain, surtout s’il est sans défense et donc privé de toute possibilité de se défendre. J’en appelle donc à la conscience des hommes et des femmes de bonne volonté, notamment de tous ceux qui ont des responsabilités politiques, pour qu’ils œuvrent à la protection des droits des plus faibles et à l’éradication de la culture du rejet, qui touche malheureusement aussi les malades, les handicapés et les personnes âgées. Les États ont la responsabilité première de garantir l’assistance des citoyens à chaque étape de la vie humaine, jusqu’à la mort naturelle, en veillant à ce que chaque personne se sente accompagnée et soignée même dans les moments les plus délicats de son existence.

Le droit à la vie est également menacé là où la peine de mort continue d’être pratiquée, comme c’est le cas ces jours-ci en Iran suite aux récentes manifestations qui demandent plus de respect de la dignité des femmes. La peine de mort ne peut être utilisée pour une prétendue justice d’État, car elle ne constitue pas un moyen de dissuasion ni ne rend justice aux victimes. Elle ne fait qu’assouvir la soif de vengeance. Je fais donc appel pour que la peine de mort, toujours inadmissible car portant atteinte à l’inviolabilité et à la dignité de la personne, soit abolie dans la législation de tous les pays du monde. Nous ne pouvons pas oublier qu’une personne peut se convertir et peut changer jusqu’au dernier moment.

Malheureusement, il semble que l’on assiste de plus en plus à l’émergence d’une « peur » de la vie qui se traduit, dans de nombreux endroits, par la peur de l’avenir et par la difficulté de fonder une famille et de mettre des enfants au monde. Dans certains contextes, je pense par exemple à l’Italie, on assiste à une baisse dangereuse de la natalité ; un véritable hiver démographique qui met en danger l’avenir même de la société. Je souhaite renouveler au cher peuple italien mes encouragements à affronter les défis du temps présent avec ténacité et espérance, forts de ses racines religieuses et culturelles.

Les peurs se nourrissent de l’ignorance et des préjugés et elles dégénèrent facilement en conflits. L’éducation est leur antidote. Le Saint-Siège promeut une vision intégrale de l’éducation dans laquelle « la culture religieuse et l’affinement de la conscience progressent du même pas que les connaissances scientifiques et le savoir-faire technique, sans cesse en développement ». [10] Éduquer exige toujours le respect intégral de la personne et de sa physionomie naturelle, en évitant d’imposer une vision nouvelle et confuse de l’être humain. Cela implique d’intégrer les voies de la croissance humaine, spirituelle, intellectuelle et professionnelle, permettant à la personne de se libérer des multiples formes d’esclavage et de s’affirmer dans la société de manière libre et responsable. En ce sens, il est inacceptable qu’une partie de la population puisse être exclue de l’éducation, comme c’est le cas pour les femmes afghanes.

L’éducation est à la merci d’une crise, exacerbée par les conséquences dévastatrices de la pandémie et par la situation géopolitique inquiétante. En ce sens, le Sommet sur la transformation de l’éducation, convoqué par le Secrétaire général des Nations Unies et qui s’est tenu en septembre dernier à New York, a représenté une occasion unique pour les Gouvernements d’entreprendre des politiques courageuses visant à affronter la « catastrophe éducative » en cours, et de faire des choix concrets pour parvenir à une instruction de qualité pour tous d’ici 2030. Les États doivent avoir le courage d’inverser le rapport déséquilibré et regrettable entre les dépenses publiques d’éducation et les fonds alloués à l’armement !

La paix exige également que la liberté religieuse soit universellement reconnue. Il est inquiétant que des personnes soient persécutées simplement parce qu’elles professent publiquement leur foi, et qu’il existe de nombreux pays où la liberté de religieuse est limitée. Environ un tiers de la population mondiale vit dans cette situation. Outre l’absence de liberté religieuse, il existe également des persécutions pour motifs religieux. Je ne peux manquer de mentionner, comme le montrent certaines statistiques, le fait qu’un chrétien sur sept est persécuté. À cet égard, j’exprime le souhait que le nouvel Envoyé spécial de l’Union Européenne pour la promotion de la liberté de religion ou de conviction en dehors de l’Union Européenne disposera des ressources et des moyens nécessaires pour remplir son mandat comme il convient.

En même temps, il est bon de ne pas oublier que la violence et les discriminations à l’égard des chrétiens augmentent aussi dans les pays où ils ne sont pas une minorité. La liberté religieuse est également mise en danger lorsque les croyants voient réduite la possibilité d’exprimer leurs convictions dans la sphère de la vie sociale, au nom d’une compréhension erronée de l’inclusion. La liberté religieuse, qui ne peut être réduite à la simple liberté de culte, est l’une des conditions minimales pour vivre de manière digne. Les gouvernements ont le devoir de la protéger, et de garantir à toute personne, conformément au bien commun, la possibilité d’agir selon sa conscience, y compris dans la vie publique et dans l’exercice de sa profession.

La religion est une occasion effective de dialogue et de rencontre entre différents peuples et cultures, comme en témoigne la décision du Parlement du Timor-Est qui a approuvé à l’unanimité le Document sur la Fraternité Humaine que j’ai signé avec le Grand Imam d’Al-Azhar en 2019, en l’incluant dans les programmes des institutions éducatives et culturelles nationales, et, comme j’ai pu le constater personnellement lors de mon voyage au Kazakhstan en septembre dernier à l’occasion de la 7 ème Rencontre des chefs religieux du monde avec lesquels j’ai partagé certaines des préoccupations de notre époque et évoqué la manière dont les religions « ne sont pas [des] problèmes, mais font partie de la solution pour une coexistence plus harmonieuse ». [11] Tout aussi significative a été la visite au Bahreïn où un nouveau pas a été fait sur le chemin entre les croyants chrétiens et musulmans.

On veut souvent attribuer à la religion les différents conflits qui accompagnent l’humanité ; et il est vrai que les tentatives déplorables d’instrumentaliser la religion à des fins purement politiques ne manquent pas. Mais cela est contraire à la perspective chrétienne qui met à nu la racine de tout conflit, à savoir le déséquilibre du cœur humain, « car c’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses » (Mc 7,21), comme nous le rappelle l’Évangile. Le christianisme incite à la paix parce qu’il incite à la conversion et à l’exercice de la vertu.

Paix dans la justice

La construction de la paix exige que la justice soit poursuivie. La crise de 1962 fut résolue grâce à la contribution d’hommes de bonne volonté qui surent trouver des solutions appropriées pour éviter que la tension politique ne dégénère en une véritable guerre. Cela fut possible aussi grâce à la conviction que les différends pouvaient être résolus dans le cadre du droit international et par le biais des organisations qui ont vu le jour après la Seconde Guerre mondiale – principalement les Nations Unies – et qui ont développé la diplomatie multilatérale. Saint Jean XXIII rappelle que « le but essentiel de l’Organisation des Nations Unies est de maintenir et de consolider la paix entre les peuples, de favoriser et de développer entre eux des relations amicales fondées sur le principe de l’égalité, du respect réciproque et de la collaboration la plus large dans tous les secteurs de l’activité humaine ». [12]

Le conflit actuel en Ukraine a rendu plus évidente la crise qui affecte depuis longtemps le système multilatéral qui a besoin d’être repensé en profondeur afin de répondre de manière adéquate aux défis de notre temps. Cela nécessite une réforme des organes qui en assurent le fonctionnement pour qu’ils représentent réellement les nécessités et les sensibilités de tous les peuples, en évitant les mécanismes qui donnent plus de poids à certains au détriment des autres. Il ne s’agit donc pas de construire des blocs d’alliance, mais de créer des opportunités pour que tous puissent dialoguer.

Beaucoup de bien peut être fait ensemble, il suffit de penser aux initiatives louables visant à réduire la pauvreté, à aider les migrants, à lutter contre le changement climatique, à promouvoir le désarmement nucléaire et à fournir de l’aide humanitaire. Toutefois, ces derniers temps, les différentes instances internationales ont été marquées par des polarisations croissantes et des tentatives d’imposer une pensée unique, ce qui empêche le dialogue et marginalise ceux qui pensent différemment. Il y a un risque de dérive qui prend de plus en plus le visage d’un totalitarisme idéologique, qui favorise l’intolérance envers ceux qui n’adhèrent pas aux prétendues positions de « progrès », lesquelles semblent plutôt en réalité conduire à une régression générale de l’humanité, à la violation de la liberté de pensée et de conscience.

En outre, de plus en plus de ressources sont utilisées pour imposer des formes de colonisations idéologiques, notamment dans les pays les plus pauvres, créant un lien direct entre l’octroi d’aides économiques et l’acceptation de ces idéologies. Cela a mis à rude épreuve le débat interne au sein des Organisations internationales, empêchant des échanges fructueux et ouvrant souvent à la tentation d’aborder les questions de manière autonome et, par conséquent, sur la base de rapports de force.

Par ailleurs, lors de mon voyage au Canada en juillet dernier, j’ai pu toucher du doigt les conséquences de la colonisation, en rencontrant notamment les populations autochtones qui ont souffert des politiques d’assimilation du passé. Là où l’on cherche à imposer à d’autres cultures des formes de pensées qui ne sont pas les leurs, on ouvre la voie à de violentes oppositions et parfois même à la violence.

Il est nécessaire de revenir au dialogue, à l’écoute mutuelle et à la négociation, en privilégiant la responsabilité partagée et la coopération dans la recherche du bien commun, sous le signe de cette solidarité qui « tire sa source de la conscience que nous avons d’être responsables de la fragilité des autres dans notre quête d’un destin commun ». [13] Les exclusions et les vetos mutuels ne font qu’accroître les divisions.

Paix dans la solidarité

Dans le Message annuel pour la Journée Mondiale de la Paix, j’ai souligné que la pandémie de Covid-19 nous a légué « la conscience du fait que nous avons tous besoin les uns des autres ». [14] Les chemins de la paix sont des chemins de solidarité, car personne ne peut se sauver tout seul. Nous vivons dans un monde tellement interconnecté que l’agir de chacun finit par avoir des répercussions sur tous.

Je voudrais ici mettre l’accent sur trois domaines dans lesquels l’interconnexion qui lie aujourd’hui l’humanité apparaît avec grande force, domaines pour lesquels une plus grande solidarité est particulièrement urgente.

Le premier domaine est celui des migrations qui touchent des régions entières de la terre. Souvent, il s’agit de personnes qui fuient la guerre et la persécution, et qui font face à des dangers immenses. D’autre part, « tout homme a droit à la liberté de mouvement, […] de se rendre à l’étranger et de s’y fixer » [15] et doit avoir la possibilité de retourner sur sa terre d’origine.

La migration est une question pour laquelle il n’est pas permis de « procéder en rang dispersé ». Pour le comprendre, il suffit de regarder la Méditerranée qui est devenue un grand tombeau. Ces vies brisées sont l’emblème du naufrage de notre civilisation, comme je l’ai rappelé lors de mon voyage à Malte au printemps dernier. Il est urgent de renforcer le cadre normatif en Europe, en approuvant le Nouveau Pacte sur les Migrations et l’Asile, afin de pouvoir mettre en œuvre des politiques adéquates d’accueil, d’accompagnement, de promotion et d’intégration des migrants. Dans le même temps, la solidarité exige que les opérations nécessaires d’assistance et de soins aux naufragés ne pèsent pas entièrement sur les populations des principaux lieux de débarquement.

Le deuxième domaine concerne l’économie et le travail. Les crises qui se sont succédées au cours de ces dernières années ont mis en évidence les limites d’un système économique visant plus à créer des profits pour quelques-uns que des opportunités de bien-être pour beaucoup ; une économie plus tournée vers l’argent que vers la production de biens utiles. Cela a engendré des entreprises plus fragiles et des marchés du travail très injustes. Il faut redonner de la dignité à l’entreprise et au travail, en luttant contre toute forme d’exploitation qui finit par traiter les travailleurs comme une marchandise, car « sans travail digne et bien rémunéré, les jeunes ne deviennent pas vraiment adultes, [et] les inégalités augmentent ». [16]

Le troisième domaine est le soin de notre maison commune. Nous sommes constamment confrontés aux effets du changement climatique et aux graves conséquences qu’il a sur la vie de populations entières, en raison des ravages qu’il engendre parfois, comme ce fut le cas tant au Pakistan dans les zones touchées par les inondations, où les foyers de maladies transmises par l’eau stagnante continuent d’augmenter, que dans de vastes zones de l’océan Pacifique où le réchauffement global cause d’innombrables dommages à la pêche, fondement de la vie quotidienne de populations entières; ou en Somalie et dans toute la Corne de l’Afrique où la sécheresse provoque une grave famine, et aux États-Unis ces derniers jours où des gelées soudaines et intenses ont provoqué des morts.

L’été dernier, le Saint-Siège a décidé d’adhérer à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, dans l’intention d’apporter son soutien moral aux efforts de tous les États pour coopérer, selon leurs responsabilités et leurs capacités, à une réponse efficace et adéquate aux défis posés par le changement climatique. On espère que les pas accomplis à la COP27, avec l’adoption du Sharm el-Sheikh Implementation Plan, bien que limités, pourront accroître la prise de conscience de toute l’humanité sur une question urgente qui ne peut plus être éludée. Par contre, des objectifs encourageants ont été fixés lors de la récente Conférence des Nations Unies sur la Biodiversité (COP15), qui s’est tenue à Montréal le mois dernier.

La paix dans la liberté

Enfin, la construction de la paix exige qu’il n’y ait pas d’atteintes « à la liberté, à l’intégrité ou à la sécurité des nations étrangères, quelles que soient l’étendue de leur territoire et leur capacité de défense ». [17] Cela est possible si, dans chaque communauté, la culture de l’abus et de l’agression, qui conduit à considérer le prochain comme un ennemi à combattre plutôt qu’un frère à accueillir et à embrasser, ne prévaut pas. [18]

L’affaiblissement, dans de nombreuses régions du monde, de la démocratie – et de la liberté que celle-ci permet – bien qu’avec toutes les limites d’un système humain, est une source de préoccupation. Les femmes ou les minorités ethniques en font souvent les frais, de même que les équilibres de sociétés entières où le malaise se traduit en tensions sociales et même en affrontements armés.

Dans de nombreuses zones, l’augmentation des polarisations politiques et sociales, qui ne contribuent pas à résoudre les problèmes urgents des citoyens, est un signe d’affaiblissement de la démocratie. Je pense aux crises politiques dans plusieurs pays du continent américain, avec leur lot de tensions et de formes de violence qui exacerbent les conflits sociaux. Je pense notamment à ce qui s’est passé récemment au Pérou et ces dernières heures au Brésil, et à la situation préoccupante en Haïti où des mesures sont enfin prises pour résoudre la crise politique qui dure depuis longtemps. Il faut toujours dépasser les logiques partisanes et travailler à la construction du bien commun.

Je suis également de près la situation au Liban où l’on attend toujours l’élection d’un nouveau Président de la République, et je souhaite que tous les acteurs politiques s’engagent pour permettre au pays de se remettre de la dramatique situation économique et sociale dans laquelle il se trouve.

Excellences, Mesdames et Messieurs,

il serait beau qu’une fois, nous puissions nous réunir juste pour remercier le Seigneur Tout-Puissant pour les bienfaits qu’il nous accorde toujours, sans être obligés d’énumérer les situations dramatiques qui affligent l’humanité. Comme le disait Jean XXIII : « Il est permis d’espérer que les peuples, intensifiant entre eux les relations et les échanges, découvriront mieux les liens d’unité qui découlent de leur nature commune ; ils comprendront plus parfaitement que l’un des devoirs primordiaux issus de leur communauté de nature, c’est de fonder les relations entre les hommes et entre les peuples sur l’amour et non sur la crainte. C’est, en effet, le propre de l’amour d’amener les hommes à une loyale collaboration, susceptible de formes multiples et porteuse d’innombrables bienfaits ». [19] Avec ce souhait, je vous renouvelle, ainsi qu’aux pays que vous représentez, mes vœux les plus chaleureux pour la nouvelle année.

Merci !

[1] Const. ap. Prædicate Evangelium (19 mars 2022), art. 1.
[2] Le 11 avril 1963. Cf. AAS 55 (1963), p. 257-304.
[3] Pacem in Terris, n. 60.
[4] Pacem in Terris, n. 110.
[5] Cf. ibid., n. 80.
[6] Ibid., n. 9.
[7] Ibid., n. 11.
[8] Ibid., n. 12.
[9] Ibid., n. 63.
[10] Ibid., n. 153.
[11] Discours lors de la Session plénière du 7ème Congress of Leaders of World and Traditional Religions, Nur-Sultan (ora Astana), 14 septembre 2022.
[12] Pacem in Terris, n. 142.
[13] Lett. Enc. Fratelli tutti (3 octobre 2020), n. 115.
[14] Message pour la 56ème Journée Mondiale de la Paix (8 décembre 2022), n. 3.
[15] Pacem in Terris, n. 25.
[16] Discours à l’occasion de la manifestation « Economy of Francesco », Assise, 24 septembre 2022.
[17] Pacem in Terris, n. 124. Cf. Message radio de Noël, 24 décembre 1941.
[18] Discours au Corps Diplomatique accrédité près le Saint-Siège, 22 mars 2013.
[19] Pacem in Terris, n. 129.

Source : vatican.va
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Des cœurs brûlants, des pieds en marche (cf. Lc 24, 13-35)

Chers frères et sœurs,

pour la Journée Mondiale des Missions de cette année, j’ai choisi un thème qui s’inspire du récit des disciples d’Emmaüs, dans l’Évangile de Luc (cf. 24, 13-35) : “Des cœurs brûlants, des pieds en marche ”. Ces deux disciples sont troublés et déçus, mais la rencontre avec le Christ dans la Parole et dans le Pain rompu a allumé en eux l’enthousiasme de se remettre en route pour Jérusalem et d’annoncer que le Seigneur est vraiment ressuscité. Dans le récit évangélique, nous saisissons la transformation des disciples à partir de quelques images suggestives : des cœurs brûlants pour les Écritures expliquées par Jésus, des yeux ouverts afin de le reconnaître et, comme point culminant, des pieds en marche. En méditant sur ces trois aspects qui dessinent l’itinéraire des disciples missionnaires, nous pouvons renouveler notre zèle pour l’évangélisation dans le monde d’aujourd’hui.

1. Des cœurs brûlants “tandis qu’il nous expliquait les Écritures”. La Parole de Dieu éclaire et transforme le cœur dans la mission.

Sur le chemin de Jérusalem à Emmaüs, les cœurs des deux disciples étaient tristes – comme le montraient leurs visages – à cause de la mort de Jésus, en qui ils avaient cru (cf. v. 17). Face à l’échec du Maître crucifié, leur espérance qu’il soit le Messie s’était effondrée (cf. v. 21).

Et, « tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux » (v. 15). Comme au début de la vocation des disciples, encore maintenant au moment de leur égarement, le Seigneur prend l’initiative de s’approcher des siens et de marcher à leurs côtés. Dans sa grande miséricorde, Il ne se lasse pas de rester avec nous, malgré nos défauts, nos doutes, les faiblesses, malgré la tristesse et le pessimisme qui nous rendent « sans intelligence et lents à croire » (v. 25), des hommes de peu de foi.

Aujourd’hui, comme autrefois, le Seigneur ressuscité est proche de ses disciples missionnaires, et il marche à leurs côtés, surtout lorsqu’ils se sentent perdus, découragés, effrayés face au mystère d’iniquité qui les entoure et qui veut les étouffer. C’est pourquoi « ne nous laissons pas voler l’espérance » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 86). Le Seigneur est plus grand que nos problèmes, surtout lorsque nous les rencontrons dans l’annonce de l’Évangile au monde, car cette mission, après tout, est la sienne et nous ne sommes que ses humbles collaborateurs, des “serviteurs inutiles” (cf. Lc 17, 10).

J’exprime ma proximité dans le Christ à tous les missionnaires du monde, en particulier à ceux qui traversent une période difficile : chers amis, le Seigneur ressuscité est toujours avec vous et il voit votre générosité et vos sacrifices pour la mission d’évangélisation dans les lieux les plus reculés. Les jours de la vie ne sont pas tous ensoleillés, mais souvenons-nous toujours des paroles du Seigneur Jésus à ses amis avant sa passion : « Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33).

Après avoir écouté les deux disciples sur la route d’Emmaüs, Jésus ressuscité « partant de Moïse et de tous les Prophètes, leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait » (Lc 24, 27). Et les cœurs des disciples se réchauffèrent, comme ils finiront par se l’avouer l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » (v. 32). En effet, Jésus est la Parole vivante, qui seule peut enflammer, éclairer et transformer le cœur.

Ainsi, nous comprenons mieux l’affirmation de saint Jérôme : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ » (In Is., Prologue). « Si le Seigneur ne nous y introduit pas, il est impossible de comprendre en profondeur l’Écriture Sainte. Pourtant le contraire est tout aussi vrai : sans l’Écriture Sainte, les événements de la mission de Jésus et de son Église dans le monde restent indéchiffrables » (Lett. ap. M.P. Aperuit illis, n. 1). C’est pourquoi la connaissance de l’Écriture est importante pour la vie du chrétien, et plus encore pour l’annonce du Christ et de son Évangile. Sinon, que transmet-on aux autres si ce n’est ses propres idées et projets ? Et un cœur froid, pourra-t-il jamais faire brûler celui des autres ?

Laissons-nous donc toujours accompagner par le Seigneur ressuscité qui nous explique le sens des Écritures. Laissons-le brûler nos cœurs, nous éclairer et nous transformer, afin que nous puissions annoncer au monde son mystère de salut avec la puissance et la sagesse qui viennent de son Esprit.

2. Des yeux qui “s’ouvrirent, et le reconnurent” à la fraction du pain. Jésus dans l’Eucharistie est le sommet et la source de la mission.

Les cœurs brûlants pour la Parole de Dieu ont poussé les disciples d’Emmaüs à demander au mystérieux Voyageur, le soir tombant, de rester avec eux. Et, autour de la table, leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent quand Il rompit le pain. L’élément décisif qui ouvre les yeux des disciples est la séquence des actions réalisées par Jésus : prendre le pain, le bénir, le rompre et le leur donner. Ce sont des gestes ordinaires d’un maître de maison juif, mais, accomplis par Jésus-Christ avec la grâce de l’Esprit Saint, ils renouvellent pour les deux convives le signe de la multiplication des pains et surtout celui de l’Eucharistie, sacrement du Sacrifice de la croix. Mais au moment même où ils reconnaissent Jésus dans Celui-qui-rompt-le-pain, « il disparut à leurs regards » (Lc 24, 31). Ce fait nous permet de comprendre une réalité essentielle de notre foi : le Christ qui rompt le pain devient maintenant le Pain rompu, partagé avec les disciples et donc consommé par eux. Il est devenu invisible, parce qu’il est maintenant entré dans le cœur des disciples pour les faire brûler encore davantage, les incitant à reprendre la route sans tarder pour communiquer à tous l’expérience unique de la rencontre avec le Ressuscité ! Ainsi, le Christ ressuscité est Celui-qui-rompt-le-pain et, en même temps, il est le Pain-rompu-pour-nous. Et donc, tout disciple missionnaire est appelé à devenir, comme Jésus et en Lui, grâce à l’action de l’Esprit Saint, celui-qui-rompt-le pain et celui-qui-est-pain-rompu pour le monde.

À cet effet, il faut rappeler qu’une simple fraction de pain matériel avec les affamés au nom du Christ est déjà un acte missionnaire chrétien. À plus forte raison, la fraction du Pain eucharistique qui est le Christ Lui-même est l’action missionnaire par excellence, car l’Eucharistie est la source et le sommet de la vie et de la mission de l’Église.

Le Pape Benoît XVI l’a rappelé : « Nous ne pouvons garder pour nous l’amour que nous célébrons dans le Sacrement [de l’Eucharistie]. Il demande de par sa nature d’être communiqué à tous. Ce dont le monde a besoin, c’est de l’amour de Dieu, c’est de rencontrer le Christ et de croire en Lui. C’est pourquoi l’Eucharistie n’est pas seulement source et sommet de la vie de l’Église; elle est aussi source et sommet de sa mission: “Une Église authentiquement eucharistique est une Église missionnaire” » (Exhort. ap. Sacramentum caritatis, n. 84).

Pour porter du fruit, nous devons rester unis à Lui (cf. Jn 15, 4-9). Et cette union se réalise par la prière quotidienne, surtout dans l’adoration, en restant en silence en présence du Seigneur qui reste avec nous dans l’Eucharistie. En cultivant avec amour cette communion avec le Christ, le disciple missionnaire peut devenir un mystique en action. Que notre cœur aspire toujours à la compagnie de Jésus, en murmurant la demande ardente des deux hommes d’Emmaüs, surtout quand vient le soir : “Reste avec nous, Seigneur !” (cf. Lc 24, 29).

3. Les pieds en marche, avec la joie de raconter le Christ ressuscité. La jeunesse éternelle d’une Église toujours en sortie.

Après avoir ouvert les yeux, en reconnaissant Jésus dans la « fraction du pain », les disciples, « à l’instant même, se levèrent et retournèrent à Jérusalem » (cf. Lc 24, 33). Ce départ en toute hâte, pour partager avec les autres la joie de la rencontre avec le Seigneur, montre que « la joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par Lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus-Christ la joie naît et renaît toujours » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 1). On ne peut vraiment rencontrer Jésus ressuscité sans être enflammé par le désir de le dire à tout le monde. Par conséquent, ceux qui ont reconnu le Christ ressuscité dans les Écritures et dans l’Eucharistie, et qui portent son feu dans le cœur et sa lumière dans les yeux, sont la première et la principale ressource de la mission. Ils peuvent témoigner de la vie qui ne meurt jamais, même dans les situations les plus difficiles et les moments les plus sombres.

L’image des “pieds en marche” nous rappelle une fois encore la validité permanente de la missio ad gentes, la mission, donnée à l’Église par le Seigneur ressuscité, d’évangéliser toute personne et tout peuple jusqu’aux extrémités de la terre. Aujourd’hui plus que jamais, l’humanité blessée par tant d’injustices, de divisions et de guerres, a besoin de la Bonne Nouvelle de la paix et du salut dans le Christ. Je saisis donc cette occasion pour réaffirmer que « tous ont le droit de recevoir l’Évangile. Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable » (ibid., n. 14). La conversion missionnaire reste l’objectif principal que nous devons nous fixer en tant qu’individus et en tant que communauté, car « l’action missionnaire est le paradigme de toute tâche de l’Église » (ibid., n. 15).

Comme l’affirme l’apôtre Paul, l’amour du Christ nous interpelle et nous pousse (cf. 2 Co 5, 14). Il s’agit ici du double amour : celui du Christ pour nous qui rappelle, inspire et suscite notre amour pour Lui. Et c’est cet amour qui rend toujours jeune l’Église en sortie, avec tous ses membres en mission pour annoncer l’Évangile du Christ, convaincus qu’ « Il est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux » (v. 15). Chacun peut contribuer à ce mouvement missionnaire : par la prière et l’action, par des offrandes d’argent et de souffrances, par son témoignage. Les Œuvres Pontificales Missionnaires sont l’instrument privilégié pour favoriser cette coopération missionnaire sur le plan spirituel et matériel. C’est pourquoi la collecte des offrandes de la Journée Mondiale des Missions est dédiée à l’Œuvre Pontificale de la Propagation de la Foi.

L’urgence de l’action missionnaire de l’Église implique naturellement une coopération missionnaire toujours plus étroite de tous ses membres à tous les niveaux. C’est un objectif essentiel du parcours synodal que l’Église est en train d’accomplir avec les mots-clés communion, participation, mission. Ce parcours n’est certes pas un repli de l’Église sur elle-même ; il n’est pas un sondage du peuple pour décider, comme dans un parlement, ce qu’il faut croire et pratiquer ou non selon les préférences humaines. Il s’agit plutôt d’une marche comme les disciples d’Emmaüs, en écoutant le Seigneur ressuscité qui vient toujours parmi nous pour nous expliquer le sens des Écritures et rompre le Pain pour nous, afin que nous puissions poursuivre, avec la force de l’Esprit Saint, sa mission dans le monde.

De même que ces deux disciples racontèrent aux autres ce qui s’était passé sur la route (Cf. Lc 24, 35), de même notre annonce sera un joyeux récit du Christ Seigneur, de sa vie, de sa passion, de sa mort et de sa résurrection, des merveilles que son amour a accomplies dans notre vie.

Repartons donc nous aussi, éclairés par la rencontre avec le Ressuscité et animés par son Esprit. Repartons avec des cœurs brûlants, les yeux ouverts, les pieds en marche, pour enflammer d’autres cœurs avec la Parole de Dieu, ouvrir d’autres yeux à Jésus Eucharistie, et inviter tout le monde à marcher ensemble sur le chemin de la paix et du salut que Dieu, dans le Christ, a donnés à l’humanité.

Sainte Marie de la route, Mère des disciples missionnaires du Christ et Reine des Missions, priez pour nous !

 

Rome, Saint Jean de Latran, 6 janvier 2023, Solennité de l’Épiphanie du Seigneur.

 

Source : vatican.va
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« L’Esprit du Seigneur est sur moi » (Lc 4,18) : c’est à partir de ce verset qu’a commencé la prédication de Jésus, et c’est à partir de ce même verset que la Parole que nous avons entendue aujourd’hui a débuté (cf. Is 61,1). Au commencement, donc, il y a l’Esprit du Seigneur.

Et c’est sur lui que je voudrais réfléchir avec vous aujourd’hui, chers confrères, sur l’Esprit du Seigneur. En effet, sans l’Esprit du Seigneur, il n’y a pas de vie chrétienne, et sans son onction, il n’y a pas de sainteté. Il est le protagoniste et c’est beau, en ce jour de naissance du sacerdoce, de reconnaître qu’il est à l’origine de notre ministère, de la vie et de la vitalité de chaque pasteur. En effet, notre Sainte Mère l’Église nous enseigne à professer que l’Esprit Saint « donne la vie » [1] comme l’a affirmé Jésus en disant : « C’est l’Esprit qui fait vivre » ( Jn 6, 63) ; un enseignement repris par l’apôtre Paul qui écrit : « La lettre tue, mais l’Esprit donne la vie » (2 Co 3, 6) et parle de la « loi de l’Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus » ( Rm 8, 2). Sans Lui, l’Église ne serait pas l’Épouse vivante du Christ, mais tout au plus une organisation religieuse – plus ou moins bonne ; elle ne serait pas le Corps du Christ, mais un temple construit par des mains humaines. Comment l’Église peut-elle être construite, sinon à partir du fait que nous sommes les « temples de l’Esprit Saint » qui « habite en nous » (cf. 1 Co 6, 19 ; 3,16) ? Nous ne pouvons pas le laisser dehors ou le « parquer » dans une zone de dévotion, non, au centre !. Nous avons besoin de dire chaque jour : « Viens, car sans ta puissance rien n’est en l’homme ». [2]

L’Esprit du Seigneur est sur moi. Chacun de nous peut le dire ; et ce n’est pas de la présomption, c’est une la réalité, puisque tout chrétien, et en particulier tout prêtre, peut faire siennes les paroles suivantes : « Le Seigneur m’a consacré par l’onction » (Is 61, 1). Frères, sans mérite, par pure grâce, nous avons reçu une onction qui a fait de nous des pères et des pasteurs du Peuple saint de Dieu. Arrêtons-nous donc sur cet aspect de l’Esprit : l’onction.

Après la première « onction » dans le sein de Marie, l’Esprit est descendu sur Jésus au Jourdain. Par la suite, comme l’explique saint Basile, « chaque action [du Christ] s’est accomplie avec la co-présence de l’Esprit Saint ». [3] En effet, c’est par la puissance de cette onction qu’Il prêchait et accomplissait des signes, en vertu de laquelle « une force sortait de Lui et les guérissait tous » ( Lc 6, 19). Jésus et l’Esprit œuvrent toujours ensemble, de sorte qu’ils sont comme les deux mains du Père [4] – Irénée dit cela – qui, tendues vers nous, nous étreignent et nous relèvent. Et c’est par elles que nos mains, ointes par l’Esprit du Christ ont été marquées. Oui, frères, le Seigneur ne nous a pas seulement choisis et appelés de partout : il a répandu en nous l’onction de son Esprit, celui-là même qui est descendu sur les Apôtres. Frères nous sommes des “oints”.

Regardons donc vers eux, vers les Apôtres. Jésus les choisit et, à son appel, ils quittent leurs barques, leurs filets, leurs maisons et ainsi de suite… L’onction de la Parole change leur vie. Avec enthousiasme, ils suivent le Maître et commencent à prêcher, convaincus d’accomplir par la suite des choses encore plus grandes ; jusqu’à ce que survienne la Pâque. Là, tout semble s’arrêter : ils en viennent à renier et à abandonner le Maître. Nous ne devons pas avoir peur. Soyons courageux en lisant notre propre vie et nos chutes. Ils parviennent à renier et à abandonner le Maitre, Pierre, le premier. Ils se rendent compte de leur incapacité et réalisent qu’ils ne l’avaient pas compris : le « Je ne connais pas cet homme » (Mc 14, 71), que Pierre prononce dans la cour du grand prêtre après la dernière Cène, n’est pas seulement une défense impulsive, mais un aveu d’ignorance spirituelle : lui et les autres s’attendaient peut-être à une vie de succès derrière un Messie attirant les foules et accomplissant des prodiges. Mais ils ne reconnaissent pas le scandale de la croix qui brise leurs certitudes. Jésus savait qu’ils n’y arriveraient pas seuls, et c’est pourquoi il leur avait promis le Paraclet. Et c’est justement cette « seconde onction », à la Pentecôte, qui transforme les disciples, en les amenant à paître le troupeau de Dieu et non plus eux-mêmes.Et telle est la contradiction à résoudre : suis-je pasteur du peuple de Dieu ou de moi-même ? Et il y a l’Esprit qui m’enseigne le chemin. C’est cette onction de feu qui fait disparaître leur religiosité centrée sur eux-mêmes et sur leurs propres capacités : une fois l’Esprit reçu, les craintes et les hésitations de Pierre se dissiperont ; Jacques et Jean, brûlés par le désir de donner leur vie, cesseront de courir après les places d’honneur (cf. Mc 10, 35-45) ; notre carriérisme, frères ; les autres ne resteront plus enfermés et craintifs au Cénacle, mais ils sortiront et deviendront apôtres dans le monde.C’est l’esprit qui change notre cœur, qui le met dans ce plan différent.

Frères, un tel chemin embrasse notre vie sacerdotale et apostolique. Pour nous aussi, il y a eu une première onction qui a commencé par un appel d’amour qui a ravi nos cœurs. Pour lui nous avons rompu nos amarres et sur cet enthousiasme authentique est descendue la force de l’Esprit, qui nous a consacrés. Ensuite, selon le temps voulu par Dieu, vient pour chacun l’étape pascale, qui marque le moment de vérité. Et c’est un moment de tension qui prend des formes diverses. Il arrive à chacun, tôt ou tard, de connaître des déceptions, des fatigues, des faiblesses, l’idéal semblant se diluer devant les exigences de la réalité, tandis qu’une certaine habitude prend le dessus et que certaines épreuves, auparavant difficilement imaginables, rendent la fidélité plus inconfortable qu’elle ne l’était auparavant. Cette étape – de cette tentation, de cette épreuve que nous avons tous eue, que nous avons et que nous aurons – cette étape représente une ligne de crête décisive pour ceux qui ont reçu l’onction. On peut s’en sortir mal, en glissant vers une certaine médiocrité, en se traînant avec lassitude dans une « normalité » où s’insinuent trois tentations dangereuses : celle du compromis, où l’on se contente de ce que l’on peut faire ; celle des compensations, où l’on cherche à se « recharger » avec autre chose que notre onction ; celle du découragement – qui est la plus commune –, où, mécontents, l’on continue par inertie. Et c’est là que réside le grand risque : alors que les apparences demeurent intactes – “Je suis prêtre” –, on se replie sur soi-même et on se traîne sans énergie ; le parfum de l’onction n’embaume plus la vie et le cœur ; et le cœur ne se dilate plus mais se rétrécit, enserré dans le désenchantement.C’est un distillat, tu sais ? Lorsque le sacerdoce glisse lentement sur le cléricalisme et que le prêtre oublie d’être pasteur du peuple, pour devenir un clerc d’État.

Mais cette crise peut aussi devenir le tournant du sacerdoce, « l’étape décisive de la vie spirituelle, où il faut faire l’ultime choix entre Jésus et le monde, entre l’héroïsme de la charité et la médiocrité, entre la croix et un certain bien-être, entre la sainteté et une honnête fidélité à l’engagement religieux ». [5] À la fin de cette célébration, on vous donnera comme cadeau un classique, un livre qui traite de ce problème : “ Le second appel”, c’est un classique du Père Voillaume qui touche ce problème, lisez-le. Ensuite, nous avons tous besoin réfléchir à ce moment de notre sacerdoce. C’est le moment béni où, comme les disciples à Pâques, nous sommes appelés à être « assez humbles pour confesser que nous avons été vaincus par le Christ humilié et crucifié, et pour accepter de commencer un nouveau chemin, celui de l’Esprit, de la foi et d’un amour fort et sans illusions ». [6] C’est le kairos où l’on découvre que « tout cela ne se réduit pas à abandonner la barque et les filets pour suivre Jésus pendant un certain temps, mais nous oblige à aller jusqu’au Calvaire, à accueillir la leçon et le fruit, et à aller avec l’aide de l’Esprit Saint jusqu’au bout d’une vie qui doit s’achever dans la perfection de la Charité divine ». [7] Avec l’aide de l’Esprit Saint : c’est le temps, pour nous comme pour les Apôtres, d’une « seconde onction », temps d’un second appel que nous devons écouter, pour la seconde onction, celle où nous accueillons l’Esprit, non pas à partir de l’enthousiasme de nos rêves, mais à partir de la fragilité de notre réalité. C’est une onction qui fait la vérité en profondeur, qui permet à l’Esprit d’oindre nos faiblesses, nos travaux, nos pauvretés intérieures. Alors l’onction embaume à nouveau : de son parfum et non du nôtre.En ce moment, intérieurement, je fais mémoire de certains d’entre vous qui sont en crise – disons ainsi – qui sont désorientés et qui ne savent pas comment prendre le chemin, comment reprendre le chemin dans cette seconde onction de l’Esprit. À ces frères – je les ai présents – je dis simplement : courage, le Seigneur est plus grand que tes faiblesses, que tes péchés. Confie-toi au Seigneur et laisse-toi appeler une deuxième fois, cette fois avec l’onction de l’Esprit Saint. La double vie ne t’aidera pas ; jeter tout par la fenêtre, non plus. Regarde en avant, laisse-toi caresser par l’onction de l’Esprit Saint.

Et le chemin pour ce pas de maturité est d’admettre la vérité de sa propre faiblesse. « L’Esprit de vérité » (Jn 16, 13) nous y exhorte, il nous pousse à regarder en nous-mêmes jusqu’au fond et à nous demander : mon épanouissement dépend-il de mes capacités, du rôle que j’obtiens, des compliments que je reçois, de la carrière que je poursuis, des supérieurs ou des collaborateurs, ou du confort que je peux me garantir, ou de l’onction qui parfume ma vie ? Frères, la maturité sacerdotale passe par l’Esprit Saint, elle se réalise quand Il devient le protagoniste de notre vie. Alors tout change de perspective, même les déceptions et les amertumes – même les péchés – parce qu’il ne s’agit plus d’essayer de nous améliorer en corrigeant quelque chose, mais de nous en remettre, sans rien retenir, à Celui qui nous a gratifiés de son onction et veut descendre en nous au plus profond. Frères, nous redécouvrons alors que la vie spirituelle devient libre et joyeuse non pas quand on sauve les formes et que l’on rapièce, mais quand on laisse l’initiative à l’Esprit et que, abandonnés à ses desseins, on se dispose à servir là et comme on nous le demande : notre sacerdoce ne grandit pas en rapiéçant, mais en débordant !

Si nous laissons l’Esprit de vérité agir en nous, nous conserverons l’onction – conserver l’onction –, car les faussetés – les hypocrisies cléricales – les faussetés avec lesquelles nous sommes tentés de vivre viendront à la lumière immédiatement. Et l’Esprit, qui « lave ce qui est sale », nous suggérera, sans se lasser, de « ne pas souiller l’onction », ne serait-ce qu’un peu. Il me vient à l’esprit cette phrase du Qohèleth qui dit : « Une seule mouche morte infeste et gâte l’huile du parfumeur » (10, 1). C’est vrai, toute duplicité – la duplicité cléricale, s’il vous plaît – toute duplicité qui s’insinue est dangereuse : elle ne doit pas être tolérée mais mise à la lumière de l’Esprit. Parce que, si « rien n’est plus faux que le cœur de l’homme, il est incurable » ( Jr 17, 9), l’Esprit Saint, Lui seul, nous guérit de l’infidélité (cf. Os 14, 5). C’est pour nous un combat essentiel : il est en effet indispensable, comme l’écrivait saint Grégoire le Grand que « celui qui annonce la parole de Dieu se consacre d’abord à son propre mode de vie, pour apprendre ensuite, à partir de sa propre vie, ce qu’il doit dire et comment il doit le dire. […] Que nul ne prétende dire à l’extérieur ce qu’il n’a pas d’abord entendu à l’intérieur ». [8] Et c’est l’Esprit, le maître intérieur, qu’il faut écouter, sachant qu’il n’y a rien en nous qu’Il ne veuille oindre. Frères, préservons l’onction : que l’invocation de l’Esprit ne soit pas une pratique sporadique, mais le souffle de chaque jour. Viens, viens, conserve-nous l’onction. Moi, consacré par Lui, je suis appelé à m’immerger en Lui, à laisser sa lumière pénétrer mes obscurités – nous en avons beaucoup – pour retrouver la vérité de ce que je suis. Laissons-nous entraîner par Lui pour combattre les contradictions qui s’agitent en nous ; et laissons-nous régénérer par Lui dans l’adoration, car lorsque nous adorons le Seigneur, Il déverse son Esprit dans nos cœurs.

L’esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction ; il m’a envoyé – poursuit la prophétie – et m’a envoyé pour apporter la bonne nouvelle, la délivrance, la guérison et la grâce (cf. Is 61, 1-2 ; Lc 4, 18-19) : en un mot, pour apporter l’harmonie là où il n’y en a pas. Car comme le dit saint Basile : “L’Esprit est l’harmonie” c’est Lui qui fait l’harmonie. Après vous avoir parlé de l’onction, je voudrais vous dire quelque chose de cette harmonie qui en est la conséquence. L’Esprit Saint, en effet, est harmonie. D’abord au ciel : saint Basile explique que « cette supra-céleste et indicible harmonie dans service de Dieu et dans la symphonie réciproque des puissances supra-cosmiques, il est impossible qu’elle soit conservée sinon par l’autorité de l’Esprit » [9]. Et aussi sur la terre : dans l’Église, c’est bien Lui cette « Harmonie divine et musicale » [10] qui relie tout.Mais pensez à un presbyterium sans harmonie, sans l’Esprit : cela ne fonctionne pas. Il suscite la diversité des charismes et la refonde en unité, il crée une concorde qui n’est pas fondée sur l’homologation, mais sur la créativité de la charité. Il en va de même pour l’harmonie entre les uns et les autres. Il en va de même pour l’harmonie dans un presbytère. Pendant les années du Concile Vatican II, qui a été un don de l’Esprit, un théologien a publié une étude dans laquelle il parlait de l’Esprit non pas dans son individualité, mais dans son pluralisme. Il nous invitait à le considérer comme une Personne divine non pas tant singulière que « plurielle », comme le « nous de Dieu », le « nous » du Père et du Fils, parce qu’il est leur lien, il est en lui-même concorde, communion, harmonie. [11] Je me souviens que quand j’ai lu ce traité théologique – c’était en théologie, en étudiant – je me suis scandalisé : il semblait une hérésie, parce que dans notre formation on ne comprenait pas bien comment était l’Esprit Saint.

Créer l’harmonie, c’est ce qu’Il désire, surtout parmi ceux sur qui Il a répandu son onction. Frères, construire l’harmonie entre nous n’est donc pas une bonne méthode pour que la structure ecclésiale puisse mieux fonctionner, ce n’est pas danser le Minuet, ce n’est pas une question de stratégie ou de courtoisie, mais une exigence interne de la vie de l’Esprit. On pèche contre l’Esprit, qui est communion, quand on devient, même par légèreté, un instrument de division, par exemple – et revenons sur le même thème – avec le bavardage. Quand nous devenons des instruments de division, nous péchons contre l’Esprit. Et on fait le jeu de l’ennemi qui ne se montre pas au grand jour et qui aime les rumeurs et les insinuations, qui fomente des partis et des groupes de pressions, nourrit la nostalgie du passé, la méfiance, le pessimisme, la peur. Veillons, s’il vous plaît, à ne pas souiller l’onction de l’Esprit et la tunique de la Sainte Mère l’Église par la désunion, les polarisations, par tout manque de charité et de communion. Rappelons-nous que l’Esprit, « le nous de Dieu », préfère la forme communautaire : c’est-à-dire la disponibilité par rapport à ses propres exigences, l’obéissance par rapport à ses propres goûts, l’humilité par rapport à ses propres attentes.

L’harmonie n’est pas une vertu parmi d’autres, elle est davantage. Saint Grégoire le Grand écrit : « La valeur de la vertu d’harmonie est démontrée par le fait que, sans elle, toutes les autres vertus ne valent absolument rien ». [12] Aidons-nous les uns les autres, mes frères, à préserver l’harmonie, – préserver l’harmonie – ce serait le devoir – en commençant non pas par les autres, mais chacun par soi-même ; en nous demandant : dans mes paroles, dans mes commentaires, dans ce que je dis et écris, y a-t-il l’empreinte de l’Esprit ou celle du monde ? Je pense aussi à la gentillesse du prêtre – mais si souvent les prêtres, nous… sommes impolis – : pensons à la gentillesse du prêtre, si les gens trouvent, même chez nous, des personnes insatisfaites, vieux garçons, des personnes mécontentes qui critiquent et pointent du doigt, où verront-ils l’harmonie ? Combien ne s’approchent pas, ou bien s’éloignent, parce qu’ils ne se sentent ni accueillis ni aimés dans l’Église, mais regardés avec suspicion et jugés ! Au nom de Dieu, accueillons et pardonnons, toujours ! Et rappelons-nous que le fait d’être crispés et de se plaindre, outre que cela ne produit rien de bon, compromet l’annonce, parce que cela est un contre-témoignage de Dieu qui est communion et harmonie. Et cela déplaît beaucoup et surtout à l’Esprit Saint que l’apôtre Paul nous exhorte à ne pas contrister (cf. Ep 4, 30).

Frères, je vous laisse avec ces pensées qui sont sorties du cœur et je termine en vous adressant une parole simple et importante : merci. Merci pour votre témoignage, merci pour votre service ; merci pour tout le bien caché que vous faites, merci pour le pardon et la consolation que vous offrez au nom de Dieu : toujours pardonner, s’il vous plaît, ne jamais refuser le pardon ; merci pour votre ministère qui s’exerce souvent au prix de beaucoup de fatigues, d’incompréhensions et de peu de reconnaissance. Frères, que l’Esprit de Dieu, qui ne déçoit pas ceux qui se confient en Lui, vous comble de paix et achève en vous ce qu’il a commencé, afin que vous soyez prophètes de son onction et apôtres d’harmonie.

[1] Symbole de Nicée-Constantinople.
[2] Cf. Séquence de la Pentecôte.
[3] Spir. XVI, 39.
[4] Cf. Irené de Lyon, Adv. haer. IV, 20,1.
[5] R. Voillaume, «La seconda chiamata», in S. Stevan ed., La Seconda chiamata. Il coraggio della fragilità, Bologna 2018, 15. (« Le second appel », Lettres aux fraternités, t. 1, Paris, Cerf, 1960, pp. 11-35).
[6] Ibid., 24.
[7] Ibid., 16.
[8] Homélies sur Ezéchiel, I, X ,13-14.
[9] Spir. XVI, 38. Basile de Césarée, De Spiritu sancto, Sources Chrétiennes 17, [SPIR.S] 16, 38 (p.382).
[10] In Ps. 29,1.
[11] Cf. H. Mühlen, Der Heilige Geist als Person. Ich – Du – Wir, Münster in W., 1963.
[12] Homélies sur Ezéchiel, I, VIII, 8.

Source : vatican.va
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Méditation :

« Plus jamais seuls… », car Jésus nous promet son Esprit Saint. On dit de lui dans le Veni Creator qu’il est « l’hôte très doux de nos âmes». Il est celui qui habite, qui demeure au fond de nos cœurs, au fond de nos êtres. 

Dans les coups de stress, au cœur de nos activités, de notre travail, il est le repos. De même qu’il est le réconfort dans nos peines et nos pleurs. C’est lui qui nous apporte la lumière sur cette douce présence de Dieu que nous pouvons découvrir en nos vies. Nous pouvons nous laisser rejoindre par cet extrait du Veni creator :

« Consolateur souverain, hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur. Dans le labeur, le repos ; dans la fièvre, la fraîcheur ; dans les pleurs, le réconfort… »

Notre-Dame de Fatima,

Toi qui t’es levée avec hâte pour porter le Sauveur,
Fais de nous des pèlerins disponibles et joyeux.

Par ton sourire,
affermis les jeunes dans le désir de suivre le Christ.
Sous ton regard de douceur,
renforce l’espérance de tous ceux qui sont éprouvés.
Garde le Saint Père et tous les pèlerins des JMJ dans ton Cœur Immaculé :
que l’Amour ardent qu’ils y puisent rejaillisse sur toute notre Eglise.

Prépare aussi nos cœurs à la rencontre de ceux vers qui tu envoies,
afin que nous leur annoncions l’Evangile vivant :
Jésus Christ, Dieu avec nous !

Amen.

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