AU FIL DES JOURS...

Edition du

16/05/2020

Louange du mercredi 25 mai

Aimer c’est tout donner

Natasha St-Pier

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Louange du vendredi 10 juin

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Catéchèse sur la vieillesse
18. Les douleurs de la création.
L’histoire de la créature comme mystère de gestation

Chers frères et sœurs, bonjour!

Nous avons récemment célébré l’Assomption au ciel de la Mère de Jésus. Ce mystère illumine l’accomplissement de la grâce qui a façonné le destin de Marie, et illumine aussi notre destination. La destination est le ciel. Avec cette image de la Vierge élevée au ciel, je voudrais conclure le cycle de catéchèse sur la vieillesse. En occident, nous la contemplons élevée vers le haut, enveloppée d’une lumière glorieuse ; en orient, elle est représentée allongée, endormie, entourée des apôtres en prière tandis que le Seigneur Ressuscité la porte entre ses mains comme un enfant.

La théologie a toujours réfléchi sur le rapport de cette « assomption » singulière avec la mort, que le dogme ne définit pas. Je pense qu’il serait encore plus important d’expliciter la relation de ce mystère avec la résurrection du Fils, qui ouvre la voie de la génération à la vie pour nous tous. Dans l’acte divin de la réunion de Marie avec le Christ ressuscité, la corruption corporelle normale de la mort humaine n’est pas simplement transcendée, plus encore, l’assomption corporelle de la vie de Dieu est anticipée. En effet, le destin de la résurrection qui nous concerne est anticipé : car selon la foi chrétienne, le Ressuscité est le premier-né de nombreux frères et sœurs. Le Seigneur Ressuscité est Celui qui est allé le premier, qui est ressuscité avant tous, puis nous irons à notre tour : c’est notre destin : ressusciter.

Nous pourrions dire — en suivant la parole de Jésus à Nicodème — que c’est un peu comme une seconde naissance (cf. Jn 3, 3-8). Si la première a été une naissance sur terre, la seconde est une naissance au ciel. Ce n’est pas un hasard si l’apôtre Paul, dans le texte lu au début, parle des douleurs de l’enfantement (cf. Rm 8, 22). De même que, dès que nous sortons du ventre de notre mère, c’est toujours nous, le même être humain qui était dans le ventre de notre mère, ainsi, après la mort, nous naissons au ciel, dans l’espace de Dieu, et c’est encore nous qui avons marché sur cette terre. De façon analogue à ce qui est arrivé à Jésus : le Ressuscité est toujours Jésus : il ne perd pas son humanité, son vécu, ni même sa corporéité, non, car sans elle, ce ne serait plus Lui, ce ne serait pas Jésus : c’est-à-dire avec son humanité, avec son vécu.

C’est ce que nous dit l’expérience des disciples, auxquels il apparaît pendant quarante jours après sa résurrection. Le Seigneur montre les blessures qui ont scellé son sacrifice ; mais elles ne sont plus la laideur de la déchéance douloureusement subie, elles sont désormais la preuve indélébile de son amour fidèle jusqu’au bout. Jésus ressuscité avec son corps vit dans l’intimité trinitaire de Dieu ! Et en elle il ne perd pas la mémoire, il n’abandonne pas son histoire, il ne dissout pas les relations dans lesquelles il a vécu sur terre. Il a promis à ses amis :  «Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi» (Jn 14, 3). Il est allé préparer la place pour nous tous et après avoir préparé une place, il viendra. Il ne viendra pas seulement à la fin pour tous, il viendra à chaque fois pour chacun de nous. Il viendra nous chercher pour nous conduire à Lui. En ce sens, la mort est un peu un pas vers la rencontre avec Jésus qui m’attend pour me conduire à lui.

Le Ressuscité vit dans le monde de Dieu, où il y a une place pour chacun, où se forme une nouvelle terre et où se construit la cité céleste, demeure définitive de l’homme. Nous ne pouvons imaginer cette transfiguration de notre corporéité mortelle, mais nous sommes sûrs qu’elle conservera nos visages reconnaissables et nous permettra de rester humains dans le ciel de Dieu. Elle nous permettra de participer, avec une émotion sublime, à l’exubérance infinie et heureuse de l’acte créateur de Dieu, dont nous vivrons directement les interminables aventures.

Quand Jésus parle du Royaume de Dieu, il le décrit comme un repas de noces, comme une fête entre amis, comme le travail qui rend la maison parfaite : c’est la surprise qui rend la moisson plus riche que les semailles. Prendre au sérieux les paroles évangéliques sur le Royaume permet à notre sensibilité de jouir de l’amour actif et créatif de Dieu, et nous met en harmonie avec la destination inouïe de la vie que nous semons. Dans notre vieillesse, chers et chères personnes de mon âge, et je m’adresse aux « vieux messieurs » et aux « vieilles dames », dans notre vieillesse l’importance de tant de « détails » dont la vie est faite — une caresse, un sourire, un geste, un travail apprécié, une surprise inattendue, une gaieté hospitalière, un lien fidèle — devient plus aigu.  L’essentiel de la vie, qui à l’approche de notre départ, nous est le plus cher, nous apparaît définitivement clair. Voilà : cette sagesse de la vieillesse est le lieu de notre gestation qui illumine la vie des enfants, des jeunes, des adultes et de toute la communauté. Nous, « vieux », devrions être cela pour les autres : lumière pour les autres. Toute notre vie apparaît comme une graine qui devra être enterrée pour que sa fleur et son fruit naissent. Elle naîtra, avec le reste du monde. Non sans affres, non sans douleur, mais elle naîtra (cf. Jn 16, 21-23). Et la vie du corps ressuscité sera cent mille fois plus vivante que nous ne l’avons goûtée sur cette terre (cf. Mc 10, 28-31).

Ce n’est pas un hasard si le Ressuscité, en attendant les apôtres au bord du lac, fait rôtir du poisson (cf. Jn 21, 9) puis le leur offre. Ce geste d’amour attentionné nous fait prendre conscience de ce qui nous attend quand nous passons sur l’autre rive. Oui, chers frères et sœurs, surtout vous les personnes âgées, le meilleur de la vie doit encore venir ; « Mais nous sommes vieux, qu’avons-nous de plus à attendre ?». Le meilleur, parce que le meilleur de la vie reste à venir. Nous espérons cette plénitude de vie qui nous attend tous, lorsque le Seigneur nous appellera. Que la Mère du Seigneur et notre Mère, qui nous a précédée au Paradis, nous rende la trépidation de l’attente car ce n’est pas une attente anesthésiée, ce n’est pas une attente ennuyée, non, c’est une attente avec trépidation : « Quand mon Seigneur viendra-t-il ? Quand pourrai-je y aller ?». Un peu de peur car je ne sais pas ce que ce passage veut dire et passer cette porte me fait un peu peur, mais il y a les toujours la main du Seigneur qui vous porte de l’avant et à travers la porte, il y a la fête. Nous sommes attentifs, vous chers « vieux messieurs » et chères « vieilles dames », personnes de mon âge, nous sommes attentifs, Il nous attend, seulement un passage et puis la fête.

Méditation :

Bien souvent, la vie ressemble à un trop plein d’urgences ou de tâches à cocher. Des sociologues se penchent sur le phénomène de « l’accélération du temps », expérience majeure de notre société qui provoque souvent une sensation d’étouffement. Mais, ce bombardement constant de sollicitations de toutes sortes, ce « trop de tout », dévoile un réel manque. On peut être tentés de le combler en se donnant à fond dans une seule direction, quand la vie demande un équilibre constant entre efforts et plaisirs. En un principe, Saint Benoît nous offre toute sa sagesse : « L’Homme a besoin de mesure. Il doit sans cesse trouver un équilibre entre l’excès et le manque ».

Il y ajoute une clef : pratiquer les « pôles complémentaires » pour rester attentif à l’essentiel. Prière et travail, silence et chant, séparation du monde et accueil, solitude et vie commune… Un sage équilibre à trouver ! 

Be Witness vient de sortir un nouveau titre pour ce Noël 2023 !

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Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenu à tous !

Mercredi dernier, nous avons ouvert un cycle de catéchèse sur la passion d’évangéliser, c’est-à-dire sur le zèle apostolique qui doit animer l’Église et tout chrétien. Aujourd’hui, nous nous penchons sur le modèle suprême de l’annonce : Jésus. L’Évangile du jour de Noël l’a défini comme le  » Verbe de Dieu  » (cf. Jn 1, 1). Le fait qu’il soit le Verbe, la parole, nous indique un aspect essentiel de Jésus : il est toujours en relation, toujours en sortie, jamais isolé, toujours en relation, en sortie ; la parole, en effet, existe pour être transmise, communiquée. Il en est de même pour Jésus, Parole éternelle du Père adressée à nous, communiquée à nous. Christ n’a pas seulement les paroles de vie, mais fait de sa vie une Parole, un message : il vit, pour ainsi dire, toujours tourné vers le Père et vers nous. Toujours en regardant le Père qui l’a envoyé et en nous regardant, nous vers qui il a été envoyé.

En effet, si nous regardons ses journées, décrites dans les Évangiles, nous voyons qu’en premier lieu il y a l’intimité avec le Père, la prière, pour laquelle Jésus se lève tôt, quand il fait encore nuit, et va dans des zones désertes pour prier (cf. Mc 1,35 ; Lc 4,42)pour parler avec le Père. Toutes les décisions et tous les choix plus importants il les prend après avoir prié (cf. Lc 6,12 ; 9,18). C’est précisément dans cette relation, dans la prière qui le lie au Père dans l’Esprit, que Jésus découvre le sens de son être d’homme, de son existence dans le monde parce que Lui est en mission pour nous, envoyé par le Père à nous.

À cet égard, le premier geste public qu’Il pose, après les années de vie cachée à Nazareth, est intéressant. Jésus ne fait pas un grand prodige, il ne lance pas un message sensationnel, mais se mêle aux gens qui allaient se faire baptiser par Jean. Il nous offre ainsi la clé de son agir dans le monde : se dépenser pour les pécheurs, en étant solidaire de nous sans distance, dans le partage total de la vie. En effet, en parlant de sa mission, il dira qu’il n’est pas venu « pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie » (Mc 10,45). Chaque jour, après la prière, Jésus consacre toute sa journée à l’annonce du Royaume de Dieu et la consacre aux personnes, en particulier les plus pauvres et les plus faibles, les pécheurs et les malades (cf. Mc 1,32-39). C’est-à-dire que Jésus est en contact avec le Père dans la prière et ensuite il est en contact avec tous les gens pour la mission, pour la catéchèse, pour enseigner le chemin du Royaume de Dieu.

Or, si nous voulons représenter son style de vie par une image, nous n’avons aucune difficulté à la trouver : Jésus lui-même nous l’offre, Jésus lui-même nous l’offre, nous l’avons bien entendu, en se présentant comme le Bon Pasteur, celui qui – dit-il – « donne sa vie pour les brebis » (Jn 10,11), c’est Jésus. En effet, être pasteur n’était pas seulement un travail, qui demandait du temps et beaucoup d’engagement, c’était un véritable mode de vie : vingt-quatre heures sur vingt-quatre, vivre avec le troupeau, l’accompagner au pâturage, dormant parmi les brebis, prenant soin des plus faibles. Jésus, en d’autres termes, ne fait pas quelque chose pour nous, mais donne tout, donne sa vie pour nous. Son cœur est un cœur pastoral (cf. Ez 34,15). Il fait le pasteur avec nous tous.

En effet, pour résumer l’action de l’Église en un mot, le terme « pastoral » est souvent utilisé. Et pour évaluer notre travail pastoral, nous devons nous confronter au modèle, nous confronter avec Jésus, Jésus le bon pasteur. Avant tout, nous pouvons nous demander : l’imitons-nous en nous abreuvant aux sources de la prière, afin que nos cœurs soient en syntonie avec le sien ? L’intimité avec Lui est, comme le suggère le beau volume de l’abbé Chautard, «  l’âme de tout apostolat ». Jésus lui-même a dit clairement à ses disciples : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5). Si l’on est avec Jésus, on découvre que son cœur pastoral bat toujours pour qui est perdu, égaré, lointain. Et le nôtre ? Combien de fois notre attitude avec les personnes un peu difficiles ou qui sont un peu difficiles s’exprime par ces mots :  » Mais c’est son problème, qu’il se débrouille… « . Mais Jésus n’a jamais dit cela, jamais, mais il est toujours allé à la rencontre des marginaux, des pécheurs. On l’a accusé de cela, d’être avec les pécheurs, parce qu’il leur apportait le salut de Dieu.

Nous avons entendu la parabole de la brebis perdue au chapitre 15 de l’Évangile de Luc (cf. vv. 4-7). Jésus parle aussi de la pièce de monnaie perdue et du fils prodigue. Si nous voulons former notre zèle apostolique, le chapitre 15 de Luc devrait toujours être sous nos yeux. Lisez-le souvent, là nous pourrons comprendre ce qu’est le zèle apostolique. Là, nous découvrons que Dieu ne reste pas à contempler l’enclos de ses brebis, ni ne les menace pour qu’elles ne s’en aillent pas. Au contraire, si quelqu’un sort et se perd, il ne l’abandonne pas, mais la cherche. Il ne dit pas : « Elle est partie, c’est sa faute, c’est son affaire ! ». Le cœur pastoral réagit d’une autre manière : le cœur pastoral souffre et le cœur pastoral risque. Il souffre : oui, Dieu souffre pour qui s’en va, et en le pleurant, il l’aime d’autant plus. Le Seigneur souffre lorsque nous nous éloignons de son cœur. Il souffre pour ceux qui ne connaissent pas la beauté de son amour et la chaleur de son étreinte. Mais, en réponse à cette souffrance, il ne se renferme pas, mais au contraire prend des risques : il laisse les quatre-vingt-dix-neuf brebis qui sont en sécurité et s’aventure à la recherche de celle qui manque, faisant ainsi quelque chose d’hasardeux et même d’irrationnel, mais en consonnance avec son cœur pastoral, qui éprouve de la nostalgie pour qui s’en est allé. La nostalgie pour ceux qui sont partis est constante en Jésus. Et lorsque nous apprenons que quelqu’un a quitté l’Église, que disons-nous ? « Qu’il se débrouille ». Non, Jésus nous enseigne la nostalgie de ceux qui sont partis ; Jésus n’a ni colère ni ressentiment, mais une nostalgie irréductible de nous. Jésus se languit de nous, et c’est le zèle de Dieu.

Et je me demande : nous, avons-nous des sentiments similaires ? Peut-être considérons-nous ceux qui ont quitté le troupeau comme des adversaires ou des ennemis. « Et celui-là ? – Non, il est parti ailleurs, il a perdu la foi, l’enfer l’attend…’, et nous sommes tranquilles. En les rencontrant à l’école, au travail, dans les rues de la ville, pourquoi ne pas penser plutôt que nous avons une bonne occasion de leur témoigner la joie d’un Père qui les aime et ne les a jamais oubliés ? Non pas pour faire du prosélytisme, non ! Mais pour que là arrive la Parole du Père, pour marcher ensemble. Évangéliser n’est pas faire du prosélytisme : faire du prosélytisme est une chose païenne, ce n’est ni religieux ni évangélique. Il y a une bonne parole pour ceux qui ont quitté le troupeau, et nous avons l’honneur et la responsabilité d’être ceux qui expriment cette parole. Parce que la Parole, Jésus, nous demande cela, de nous approcher toujours, avec un cœur ouvert, de tous, parce que Lui est comme cela. Peut-être suivons-nous et aimons-nous Jésus depuis si longtemps et ne nous sommes-nous jamais demandé si nous partageons ses sentiments, si nous souffrons et risquons en syntonie avec le cœur de Jésus, avec ce cœur pastoral, proche du cœur pastoral de Jésus ! Il ne s’agit pas de faire du prosélytisme, je l’ai dit, pour que les autres soient « des nôtres”, non, cela n’est pas chrétien : il s’agit d’aimer pour qu’ils soient des enfants heureux de Dieu. Demandons dans la prière la grâce d’un cœur pastoral, ouvert, qui se tienne proche de tous, pour apporter le message du Seigneur et aussi pour sentir pour chacun la nostalgie du Christ. Parce que, sans cet amour qui souffre et qui risque, notre vie ne va pas bien : si nous, chrétiens, n’avons pas cet amour qui souffre et qui risque, nous risquons de ne paître que nous-mêmes. Les pasteurs qui sont pasteurs d’eux-mêmes, au lieu d’être pasteurs du troupeau, sont des coiffeurs de brebis « exquises ». Nous ne devons pas être les pasteurs que de nous-mêmes, mais les pasteurs de tous.

 

Source : vatican.va
Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana

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MESSE ET BÉNÉDICTION DES PALLIUMS POUR LES NOUVEAUX MÉTROPOLITES

HOMÉLIE

 

Pierre et Paul, deux Apôtres amoureux du Seigneur, deux colonnes de la foi de l’Église. Alors que nous contemplons leur vie, l’Évangile nous interpelle aujourd’hui avec la question que Jésus pose aux siens : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » (Mt 16, 15). C’est la question fondamentale, la plus importante : qui est Jésus pour moi ? Qui est Jésus dans ma vie ? Regardons comment les deux Apôtres y ont répondu.

La réponse de Pierre pourrait se résumer en un mot : la suite. Pierre a vécu à la suite du Seigneur. Ce jour-là, à Césarée de Philippe, Jésus interrogea ses disciples. Pierre répondit avec une belle profession de foi : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16) ;une réponse impeccable, précise, ponctuelle, on pourrait dire une réponse parfaite de “catéchisme”. Mais cette réponse est le fruit d’un cheminement : ce n’est qu’après avoir vécu l’aventure fascinante consistant à suivre le Seigneur, après avoir marché avec Lui et derrière Lui pendant longtemps, que Pierre parvient à cette maturité spirituelle qui l’amène, par grâce, par pure grâce, à une profession de foi si limpide.

L’évangéliste Matthieu nous raconte en effet que tout avait commencé sur les rives de la mer de Galilée, lorsque Jésus était passé et l’avait appelé, avec son frère André ; et « aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent » (Mt 4, 20).Pierre a tout laissé pour se mettre à la suite du Seigneur. Et l’Évangile souligne “aussitôt”. Pierre n’a pas dit à Jésus qu’il devait y réfléchir, il n’a pas fait de calculs pour voir si cela lui convenait, il n’a pas cherché d’alibi pour reporter la décision ; il a laissé ses filets et l’a suivi, sans demander aucune sécurité à l’avance.Il devait tout découvrir au jour le jour, à la suite, en suivant Jésus et en marchant derrière Lui. Et ce n’est pas par hasard que les dernières paroles, rapportées dans les Évangiles, que Jésus lui adresse sont : « Toi, suis-moi » (Jn 21, 22), c’est cela se mettre à sa suite.

Pierre nous dit qu’à la question “qui est Jésus pour moi ?”, il ne suffit pas de répondre par une formule doctrinale irréprochable, pas même avec une idée que nous nous sommes faite une fois pour toutes. Non. C’est en nous mettant à la suite du Seigneur que nous apprenons chaque jour à Le connaître. C’est en devenant ses disciples et en accueillant sa Parole que nous devenons ses amis et que nous faisons l’expérience de son amour qui nous transforme. Pour nous aussi, retentit cet “aussitôt”. Si nous pouvons reporter beaucoup de choses dans la vie, suivre Jésus ne peut être reporté ; pour cela on ne peut hésiter, on ne peut trouver d’excuses. Faisons attention car certaines excuses sont revêtues de spiritualité, comme lorsque nous disons “Je ne suis pas digne”, “Je ne suis pas capable”, “moi, qu’est-ce que je peux faire ?”. C’est là une ruse du diable qui nous vole la confiance en la grâce de Dieu, en nous faisant croire que tout dépendrait de nos capacités.

Nous détacher de nos sécurités – sécurités terrestres -, immédiatement, et suivre Jésus chaque jour : voilà la consigne que Pierre nous donne aujourd’hui en nous invitant à être une Église-à-la-suite. Une Église-à-la-suite. Une Église qui veut être disciple du Seigneur et humble servante de l’Évangile. De cette manière seulement elle sera capable de dialoguer avec tous, et devenir un lieu d’accompagnement, de proximité et d’espérance pour les femmes et les hommes de notre temps. Seulement de cette manière, même la personne la plus éloignée qui nous regarde souvent avec méfiance ou indifférence pourra enfin reconnaître avec le Pape Benoît : « L’Église est le lieu de rencontre avec le Fils du Dieu vivant et, ainsi, elle est le lieu de rencontre entre nous » (Homélie du 2ème Dimanche de l’Avent, 10 décembre 2006).

Et maintenant venons-en à l’Apôtre des nations. Si la réponse de Pierre consiste dans la suite, celle de Paul se trouve dans l’annonce, l’annonce de l’Évangile. Pour lui aussi, tout a commencé par grâce, à l’initiative du Seigneur. Sur le chemin de Damas, alors qu’il persécutait avec fierté les chrétiens, barricadé dans ses convictions religieuses, Jésus ressuscité vient à sa rencontre et l’aveugle de sa lumière. Mieux, grâce à cette lumière, Saul réalise à quel point il est aveugle. Enfermé dans l’orgueil de sa rigide observance, il découvre en Jésus l’accomplissement du mystère du salut. Il considère désormais toutes ses sécurités humaines et religieuses comme des “ordures” par rapport à la sublimité de la connaissance du Christ (cf. Ph 3, 7-8). Paul consacre ainsi sa vie à parcourir la terre et la mer, les villes et les villages, sans se soucier des difficultés et des persécutions, pour annoncer Jésus-Christ. En regardant son histoire, il semble presque que, plus il annonce l’Évangile, plus il connaît Jésus. L’annonce de la Parole aux autres lui permet de pénétrer les profondeurs du mystère de Dieu, à lui Paul qui a écrit « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16) ; à lui qui confesse : « Pour moi, vivre c’est le Christ » (Ph 1, 21).

Par conséquent, Paul nous dit qu’à la question “qui est Jésus pour moi ?”, on ne répond pas par une religiosité intimiste qui nous laisserait tranquilles, sans nous laisser ébranler par le souci d’apporter l’Évangile aux autres. L’Apôtre nous enseigne que nous grandissons dans la foi et dans la connaissance du mystère du Christ d’autant plus que nous sommes ses annonciateurs et témoins.  Et cela arrive toujours : quand nous évangélisons, nous sommes évangélisés. C’est une expérience de tous les jours : quand nous évangélisons, nous sommes évangélisés. La Parole que nous apportons aux autres nous revient parce que, dans la mesure où nous donnons, nous recevons beaucoup plus (cf. Lc 6, 38).  Et cela est également nécessaire à l’Église aujourd’hui : mettre l’annonce au centre. Être une Église qui ne se lasse pas de se répéter : “Pour moi, vivre c’est le Christ” et “Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile”. Une Église qui a besoin d’annoncer comme d’oxygène pour respirer ; qui ne peut pas vivre sans transmettre l’étreinte de l’amour de Dieu et la joie de l’Évangile.

Frères et sœurs, célébrons Pierre et Paul. Ils ont répondu à la question fondamentale de la vie – qui est Jésus pour moi ? – en suivant le Christ et en annonçant l’Évangile. Il est beau de grandir comme une Église à la suite, comme une Église humble qui ne tient jamais pour acquise la recherche du Seigneur. Il est beau de devenir une Église extravertie, qui ne trouve pas sa joie dans les choses du monde mais dans l’annonce de l’Évangile au monde, pour semer dans le cœur des personnes la question de Dieu. Porter partout, avec humilité et joie, le Seigneur Jésus : dans notre ville de Rome, dans nos familles, dans les relations et les quartiers, dans la société civile, dans l’Église, dans la politique, dans le monde entier, spécialement là où se trouvent la pauvreté, la dégradation, la marginalisation.

Et, aujourd’hui, alors que certains de nos frères Archevêques reçoivent le Pallium, signe de la communion avec l’Église de Rome, je voudrais leur dire : soyez des apôtres comme Pierre et Paul. Soyez des disciples à la suite et des apôtres de l’annonce, apportez la beauté de l’Évangile partout, à tout le Peuple de Dieu. Et enfin, je désire adresser mon salut affectueux à la Délégation du Patriarcat Œcuménique, envoyée par le très cher Frère Sa Sainteté Bartholomée. Merci pour votre présence, merci : avançons ensemble, avançons ensemble à la suite et dans l’annonce de la Parole, en grandissant dans la fraternité. Que Pierre et Paul nous accompagnent et intercèdent pour nous tous.

 

Source : vatican.va
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Méditation :

Nous ne saurons jamais tout le bien qu’un simple sourire peut être capable de faire disait Mère Teresa. Il est vrai que le sourire est au fond le seul langage universel capable de dire en douceur la bonté que nous voudrions transmettre et que les mots souvent peinent à dire, surtout quand la barrière de la langue ou la culture font obstacle.

Prions avec mère Térésa :

Vierge Marie, rends mon amour souriant.

Fais en sorte que mon sourire exprime la plus pure bonté.

Enseigne-moi à oublier par un sourire mes préoccupations et mes peines, afin de prêter attention uniquement à la joie des autres. Que mon visage souriant rende mes contacts avec le prochain, plus chaleureux et cordiaux.

Conserve-moi le sourire dans les heures douloureuses, afin que même dans ces moments, je puisse continuer à me donner au prochain.

Aide-moi à garder au fond de mon cœur la joie d’aimer qui se manifeste à travers le sourire.

Enseigne-moi, ô Sainte Vierge Marie, à servir le Seigneur avec joie, souriant à chaque moment de ma vie.

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CHEMIN DE CROIX AVEC LES JEUNES

Chers frères et sœurs, bonsoir !

Aujourd’hui, vous allez marcher avec Jésus. Jésus est le Chemin et nous allons marcher avec lui, parce qu’il a marché. Lorsqu’il était parmi nous, Jésus a marché. Il a marché en guérissant les malades, en prenant soin des pauvres, en rendant la justice, il a marché en prêchant, en nous enseignant. Jésus a marché, mais le chemin qui est le plus gravé dans nos cœurs est le chemin du Calvaire, le chemin de la Croix. Et aujourd’hui, avec la prière, vous allez, nous, moi aussi, avec la prière, renouveler le chemin de la Croix. Regardons Jésus qui passe et marchons avec lui.

Le chemin de Jésus, c’est Dieu qui sort de lui-même, qui sort de lui-même pour marcher parmi nous. Ce que nous entendons si souvent à la messe : « Le Verbe s’est fait chair et a marché parmi nous ». Le Verbe s’est fait homme et a marché parmi nous. Et il le fait par amour. Et il le fait par amour. Et la croix qui accompagne chaque Journée mondiale de la jeunesse est l’icône, la figure de ce voyage. La Croix est la plus grande signification du plus grand amour, cet amour avec lequel Jésus veut embrasser notre vie. La nôtre ? Oui, mais la tienne, la tienne, la tienne, la tienne, celle de chacun de nous. Jésus marche pour moi. Nous devons tous le dire. Jésus commence ce voyage pour moi, pour donner sa vie pour moi. Et personne n’a plus d’amour que celui qui donne sa vie pour ses amis, qui donne sa vie pour les autres. N’oubliez pas ceci. Personne n’a plus d’amour que celui qui donne sa vie, et Jésus l’a enseigné. C’est pourquoi, lorsque nous regardons le Crucifié, qui est si douloureux, si dur, nous voyons la beauté de l’amour qui donne sa vie pour chacun de nous. Une personne très croyante avait l’habitude de dire une phrase qui m’a beaucoup touché. Elle disait : « Seigneur, à travers ton ineffable agonie, je peux croire à l’amour ». Seigneur, à travers ton ineffable agonie, je peux croire à l’amour.

Jésus marche, mais il attend quelque chose, il attend notre compagnie, il attend que nous regardions… je ne sais pas, il attend d’ouvrir les fenêtres de mon âme, de ton âme, de l’âme de chacun de nous. Qu’elles sont laides les âmes fermées, qui sèment à l’intérieur, qui sourient à l’intérieur ! Elles n’ont pas de sens. Jésus marche et attend avec son amour, il attend avec sa tendresse, pour nous consoler, pour essuyer nos larmes.

Je vous pose maintenant une question, mais n’y répondez pas à haute voix, répondez chacun à votre place : est-ce que je pleure de temps en temps ? Y a-t-il des choses dans la vie qui me font pleurer ? Nous avons tous pleuré dans notre vie, et nous pleurons encore. Et Jésus est là avec nous, il pleure avec nous, parce qu’il nous accompagne dans l’obscurité qui nous conduit aux pleurs.

Je vais faire un peu de silence et chacun de nous dira à Jésus pourquoi il pleure dans la vie, chacun de nous le lui dira maintenant, en silence.

(Moment de silence)

Jésus, avec sa tendresse, essuie nos larmes cachées. Il est là, il veut combler cette solitude. Jésus veut remplir notre peur, ta peur, ma peur, ces peurs obscures, il veut les remplir de sa consolation. Et Il attend de nous pousser à embrasser le risque d’aimer. Parce que vous le savez, vous le savez mieux que moi : aimer est risqué. Il faut prendre le risque d’aimer. C’est un risque, mais il vaut la peine d’être pris, et Il nous accompagne dans cette démarche. Il nous accompagne toujours. Il marche toujours avec nous. Il est toujours avec nous tout au long de notre vie.

Je ne veux pas m’éterniser. Aujourd’hui, nous allons parcourir le chemin avec Lui, le chemin de sa souffrance, le chemin de nos angoisses, le chemin de notre solitude.

Maintenant, une seconde de silence, et chacun de nous pense à sa propre souffrance, pense à sa propre angoisse, pense à ses propres misères. N’ayez pas peur, pensez-y. Et pensez au désir de l’âme de retrouver le sourire.

(Minute de silence)

Et Jésus marche vers la Croix, meurt sur la Croix, pour que notre âme puisse sourire. Amen.

 

Source : vatican.va
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Découvrez aujourd’hui Saint Martin de Tours !
Belle écoute !

Jour 9 – l’humilité de celui qui reçoit la loi

—- Moïse —-

Or Moïse était un homme très humble, plus humble que tout autre homme sur la terre.

Moïse

« Le Jourdain »

Cette vidéo fait partie du parcours « Héritiers du Sacré-Coeur »

Parcours : Héritiers du Sacré-Coeur

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Découvrez aujourd’hui Sainte Marguerite d’Youville
Belle écoute !

En lisant les textes que l’Eglise nous propose d’entendre, demain dimanche : « De même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel » (1 Co 15, 45-49)  et :  « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 27-38)  on pense aux apparitions de Marie à Kibeho (1982-1983) au Rwanda. « Kibeho est un rappel de la place de la croix dans la vie du chrétien et de l’Eglise ».
Croix, Repentance, Miséricorde…

 « Marie nous dit : Je viendrai avec vous, je vous conduirai à la croix. Mais je serai avec vous ! Je serai avec vous ! … Et c’est le fait d’être là… C’est vital ! Marie, c’est vital ! Mais oui, c’est ça, c’est vital ! Alors vraiment, Marie nous aide énormément. Et à la croix … » (Pierre Goursat 1978)

Sh’ma Israël
Glorious

(Ils seront cet été au Jesus Festival !)

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Dans le cadre du parcours « Héritiers du Sacré-Coeur », le père Benoit Guédas nous propose une série de 8 vidéos pour approfondir la prière.

Retrouvez les enseignements du parcours :

Parcours »Héritiers du Sacré-Coeur »

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Jour 1 en audio

Notre Père

Glorious

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Méditation : Rendre grâce

On définit souvent la gratitude comme la prise de conscience d’un bienfait reçu qui nous touche. La gratitude est au cœur de la vision chrétienne du monde. En faisant l’expérience de s’arrêter ne serait-ce qu’un moment, nous pouvons prendre le temps de recevoir la beauté d’un paysage, d’une lumière vive qui se reflète dans un lac et nous laisser toucher par la beauté de cet acte de création.

Philon d’Alexandrie le disait « L’œuvre la plus propre à Dieu, c’est de répandre ses bienfaits ; l’œuvre la plus propre à la création, c’est de se répandre en action de grâce (eucharistein), puisqu’elle ne peut offrir en échange rien de plus que cela […]. Lui rendre grâce, employons-nous à cela sans cesse et en tout lieu » Plus je suis dans la gratitude pour les grâces déjà reçues de Dieu, plus mon cœur s’ouvre pour en recevoir davantage et me laisser transformer par elles !

VOYAGE DU PAPE FRANCOIS A BAHREIN

Samedi 5 novembre 2022
(Homélie + rencontre avec les jeunes)

 

HOMÉLIE  – MESSE POUR LA PAIX ET LA JUSTICE

Du Messie que Dieu suscitera, le prophète Isaïe dit : « Grande sera sa puissance, et la paix n’aura pas de fin » (Is 9, 6). Cela semble être une contradiction. Sur la scène du monde nous voyons souvent que plus le pouvoir est recherché, plus la paix est menacée. En revanche, le prophète fait une annonce d’une extraordinaire nouveauté : le Messie qui vient sera effectivement puissant, mais pas à la manière d’un chef qui fait la guerre et domine les autres, mais comme le « Prince de la paix » (v. 5), comme celui qui réconcilie les hommes avec Dieu, et entre eux. La grandeur de son pouvoir n’utilise pas la force de la violence, mais la faiblesse de l’amour. Voilà la puissance du Christ : l’amour. Et à nous aussi, Il confère ce même pouvoir, le pouvoir d’aimer, d’aimer en son nom, d’aimer comme Il a aimé. Comment ? De manière inconditionnelle : pas seulement lorsque les choses vont bien et que nous avons le sentiment d’aimer, mais toujours ; pas seulement envers nos amis et voisins, mais envers tout le monde, même nos ennemis. Tout le monde et toujours.

Aimer toujours et aimer tout le monde : réfléchissons un peu à cela.

Tout d’abord, les paroles de Jésus (cf. Mt 5, 38-48) nous invitent aujourd’hui à aimer toujours, c’est-à-dire à demeurer toujours dans son amour, à le cultiver et à le pratiquer quelle que soit la situation dans laquelle nous vivons. Mais attention : le regard de Jésus est concret. Il ne dit pas que cela sera facile, et il ne propose pas un amour sentimental ou romantique, comme s’il n’y avait pas dans nos relations humaines des moments de conflit, ni des causes d’hostilité entre les peuples. Jésus n’est pas irénique, mais réaliste : il parle explicitement des « malfaiteurs » et des « ennemis » (v. 38.43). Il sait que dans nos relations, une lutte quotidienne existe entre l’amour et la haine ; et qu’en nous aussi, chaque jour, il y a un affrontement entre la lumière et les ténèbres, entre nombre de bonnes intentions, de désirs, et cette fragilité pécheresse qui prend souvent le dessus et nous entraîne dans des œuvres mauvaises. Il sait aussi que nous faisons l’expérience, malgré beaucoup d’efforts généreux, de ne pas toujours recevoir le bien que nous attendons et, de subir au contraire le mal, parfois de manière incompréhensible. Et, encore une fois, il voit et souffre en constatant de nos jours, dans beaucoup de régions du monde, des exercices du pouvoir qui se nourrissent d’oppression et de violence, et qui cherchent à accroître leur espace en restreignant celui des autres, en imposant leur domination, en limitant les libertés fondamentales et en opprimant les faibles. Ainsi – dit Jésus – il existe des conflits, des oppressions et des inimitiés.

Face à tout cela, la question importante à se poser est celle-ci : que faire lorsque nous nous trouvons dans de telles situations ? La proposition de Jésus est surprenante, elle est hardie, elle est audacieuse. Il demande aux siens le courage de prendre des risques dans une situation qui semble perdue en apparence. Il leur demande de rester toujours fidèles dans l’amour, malgré tout, même face au mal et à l’ennemi. La réaction humaine ordinaire est toujours “œil pour œil, dent pour dent” ; mais cela c’est se faire justice avec les mêmes armes que le mal reçu. Jésus ose nous proposer quelque chose de nouveau, de différent, d’impensable, quelque chose qui lui est propre : « Eh bien ! moi je vous dis de ne pas tenir tête au méchant: au contraire, quelqu’un te donne-t-il un soufflet sur la joue droite, tends-lui encore l’autre » (v. 39). C’est ce que le Seigneur nous demande : ne pas rêver naïvement d’un monde animé par la fraternité, mais nous engager en premier, en commençant par vivre concrètement et courageusement la fraternité universelle, en persévérant dans le bien même lorsque nous recevons le mal, en brisant la spirale de la vengeance, en désarmant la violence, en démilitarisant le cœur. L’apôtre Paul lui fait écho lorsqu’il écrit : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12, 21).

Par conséquent, l’invitation de Jésus ne concerne pas d’abord les grandes questions de l’humanité, mais les situations concrètes de notre vie : nos relations en famille, les relations dans la communauté chrétienne, les liens que nous cultivons dans la réalité professionnelle et sociale où nous nous trouvons. Il y aura des frictions, des moments de tension, il y aura des conflits, des divergences de vues, mais ceux qui suivent le Prince de la paix doivent toujours tendre vers la paix. Et la paix ne peut pas être rétablie si à une parole mauvaise est répondue une autre encore plus mauvais, si une gifle est suivie d’une autre. Non, il faut “désamorcer”, briser la chaîne du mal, rompre la spirale de la violence, cesser de nourrir du ressentiment, cesser de se plaindre ou de s’apitoyer sur son sort. Il faut rester dans l’amour, toujours : c’est la voie de Jésus pour rendre gloire au Dieu du ciel et construire la paix sur la terre. Aimer, toujours.

Venons-en maintenant au deuxième aspect : aimer tout le monde. Nous pouvons nous engager dans l’amour, mais cela ne suffit pas si nous le cantonnons à la sphère restreinte de ceux dont nous recevons autant : nos amis, nos semblables, les membres de nos familles. Là encore, l’invitation de Jésus est surprenante car elle repousse les limites de la loi et du bon sens : aimer son prochain, ses proches est déjà laborieux, même si c’est raisonnable. En général, c’est ce qu’une communauté ou un peuple essaie de faire pour maintenir la paix en son sein : si on appartient à la même famille ou à la même nation, si on a les mêmes idées ou les mêmes goûts, si on professe les mêmes croyances, il est normal d’essayer de s’entraider et de s’aimer. Mais que se passe-t-il si celui qui est loin se rapproche de nous, si celui qui est étranger, différent ou d’une autre croyance devient notre voisin ? Cette terre est, justement, une image vivante de la convivialité des diversités, une image de notre monde de plus en plus marqué par les migrations permanentes des peuples et le pluralisme des idées, des coutumes et des traditions. Il est donc important d’accueillir cette provocation de Jésus : « Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? » (Mt 5, 46). Le véritable défi, pour être des enfants du Père et construire un monde de frères, c’est d’apprendre à aimer tout le monde, même son ennemi : « Vous avez entendu qu’il a été dit : « Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi ». Mais moi, je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent » (v. 43-44). En réalité, cela signifie choisir de ne pas avoir d’ennemis, de ne pas voir dans l’autre un obstacle à surmonter, mais un frère et une sœur à aimer. Aimer l’ennemi, c’est apporter sur terre le reflet du Ciel, c’est faire descendre sur le monde le regard et le cœur du Père qui ne fait aucune distinction, ne discrimine pas, mais « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes » (v. 45).

Frères et sœurs, le pouvoir de Jésus c’est l’amour, et Jésus nous donne le pouvoir d’aimer ainsi, d’une manière qui nous semble surhumaine. Mais une telle capacité ne peut être uniquement le résultat de nos efforts, elle est avant tout une grâce. Une grâce qu’il faut demander avec insistance : “Jésus, toi qui m’aimes, apprends-moi à aimer comme toi. Jésus, toi qui me pardonnes, apprends-moi à pardonner comme toi. Envoie ton Esprit, l’Esprit d’amour, sur moi”. Demandons-le. Parce que, souvent, nous soumettons beaucoup de demandes à l’attention du Seigneur, mais cela est essentiel pour le chrétien, savoir aimer comme le Christ. Aimer est le plus grand des dons, et nous le recevons lorsque nous faisons place au Seigneur dans la prière, lorsque nous accueillons sa présence dans sa Parole qui nous transforme et dans l’humilité révolutionnaire de son Pain rompu. Ainsi, lentement, les murs qui durcissent nos cœurs tombent et nous trouvons la joie d’accomplir des œuvres de miséricorde envers tous. Nous comprenons alors qu’une vie heureuse passe par les béatitudes, et consiste à devenir des artisans de paix (cf. Mt 5,9).

Chers amis, aujourd’hui je voudrais vous remercier pour votre témoignage doux et joyeux de fraternité, pour être des semences d’amour et de paix sur cette terre. C’est le défi que l’Évangile lance chaque jour à nos communautés chrétiennes, à chacun d’entre nous. Et à vous, à vous tous qui êtes venus à cette célébration des quatre pays du Vicariat apostolique de l’Arabie du Nord, Bahreïn – Koweït, Qatar et Arabie Saoudite – comme des autres pays du Golfe, mais aussi d’autres territoires, j’apporte aujourd’hui l’affection et la proximité de l’Église universelle qui vous regarde et vous entoure d’affection, qui vous aime et vous encourage. Que la Sainte Vierge, Notre-Dame d’Arabie, vous accompagne sur votre chemin et vous garde toujours dans l’amour envers tous.

 

RENCONTRE AVEC LES JEUNES

Chers amis, frères et sœurs, bonjour !

Je vous remercie d’être ici, de nations différentes et avec tant d’enthousiasme ! Je voudrais remercier Sœur Rosalyn pour les mots de bienvenue qu’elle m’a adressés et pour l’engagement avec lequel, avec beaucoup d’autres, elle dirige cette École du Sacré-Cœur.

Et je suis content d’avoir vu au Royaume du Bahreïn un lieu de rencontre et de dialogue entre cultures et croyances diverses. Et maintenant, en vous regardant, vous qui n’êtes pas de la même religion et qui n’avez pas peur d’être ensemble, je pense que, sans vous, cette coexistence des différences ne serait pas possible. Et elle n’aurait pas d’avenir ! Dans la pâte du monde, vous êtes le bon levain destiné à grandir, à surmonter nombre de barrières sociales et culturelles et à promouvoir des germes de fraternité et de nouveauté. C’est vous les jeunes qui, comme des voyageurs inquiets, ouverts à l’inédit, ne craignez pas de vous confronter, de dialoguer, de “faire du bruit” et de vous mêler aux autres, devenant la base d’une société amie et solidaire. Et cela, chers amis, est fondamental dans les contextes complexes et pluralistes dans lesquels nous vivons : faire tomber certaines barrières pour inaugurer un monde à dimension plus humaine, plus fraternel, même si cela signifie affronter de nombreux défis. Sur ce point, à partir de vos témoignages et de vos interrogations, je voudrais vous adresser trois petites invitations, non pas tant pour vous enseigner quelque chose, que pour vous encourager.

La première invitation : embrasser la culture du soin. Sœur Rosalyn a utilisé cette expression : “culture du soin”. Prendre soin c’est développer une attitude intérieure d’empathie, un regard attentif qui nous fait sortir de nous-mêmes, une présence aimable qui vainc l’indifférence et nous pousse à nous intéresser aux autres. Voilà le tournant, le début de la nouveauté, l’antidote contre un monde fermé qui, imprégné d’individualisme, dévore ses enfants ; contre un monde emprisonné par la tristesse qui engendre l’indifférence et la solitude. Je me permets de vous dire : que de mal fait l’esprit de tristesse, que de mal ! Car si nous n’apprenons pas à prendre soin de ce qui nous entoure – des autres, de la ville, de la société, de la création – nous finissons par passer notre vie comme ceux qui courent, se fatiguent, font beaucoup de choses, mais, à la fin, restent tristes et seuls parce qu’ils n’ont jamais goûté à fond la joie de l’amitié et de la gratuité. Et ils n’ont pas donné au monde cette touche unique de beauté qu’eux seuls, et personne d’autre, ne pouvaient donner. En tant que chrétien, je pense à Jésus et je vois que son action a toujours été animée par le soin. Il a soigné les relations avec tous ceux qu’il rencontrait dans les maisons, dans les villes et le long du chemin : il a regardé dans les yeux les personnes, il a prêté l’oreille à leurs demandes d’aide, il s’est fait proche et a touché de ses mains leurs blessures. Vous, est-ce que vous regardez les personnes dans les yeux ? Jésus est entré dans l’histoire pour nous dire que le Très-Haut prend soin de nous ; pour nous rappeler que se tenir du côté de Dieu c’est prendre soin de quelqu’un et de quelque chose, spécialement des plus nécessiteux.

Chers amis, comme il est beau de devenir amateurs du soin, artistes des relations ! Mais cela réclame, comme tout dans la vie, un entraînement constant. Et donc n’oubliez pas d’abord d’avoir soin de vous-mêmes : pas tant de l’extérieur, mais de l’intérieur, de la partie la plus cachée et précieuse de vous. Laquelle ? Votre âme, votre cœur ! Et comment fait-on pour soigner le cœur ? Essayez de l’écouter en silence, de définir des espaces pour être en contact avec votre intériorité, pour sentir le don que vous êtes, pour accueillir votre existence et ne pas la laisser devenir incontrôlable. Ne soyez jamais des “touristes de la vie” qui ne la regardent qu’à l’extérieur, superficiellement. Et, dans le silence, en suivant le rythme de votre cœur, parlez à Dieu. Parlez-lui de vous-mêmes, et aussi de ceux que vous rencontrez chaque jour et qu’Il vous donne comme compagnons de voyage. Portez-lui les visages, les situations heureuses et douloureuses car il n’y a pas de prière sans relations, de même qu’il n’y a pas de joie sans amour.

Et l’amour – vous le savez – n’est pas un feuilleton télévisé ni un film romantique : aimer c’est avoir à cœur l’autre, prendre soin de l’autre, offrir son temps et ses dons à ceux qui en ont besoin, risquer pour faire de la vie un don qui engendre une vie de plus. Risquer ! Chers amis, s’il vous plaît, n’oubliez jamais une chose : vous êtes tous – sans exception – un trésor, un trésor unique et précieux. Donc, ne gardez pas votre vie dans un coffre-fort en pensant qu’il vaut mieux s’épargner et que le moment de la dépenser n’est pas encore venu ! Beaucoup d’entre vous sont ici de passage, pour des raisons professionnelles et souvent pour un temps déterminé. Cependant, si nous vivons avec la mentalité du touriste, nous ne saisissons pas le moment présent et nous risquons de jeter des morceaux entiers de vie ! Qu’il est beau, au contraire, de laisser maintenant une bonne trace sur le chemin, en prenant soin de la communauté, des camarades de classe, des collègues de travail, de la création… Il nous est bon de nous demander : quelle trace suis-je en train de laisser maintenant, ici où je vis, dans le lieu où la Providence m’a mis ?

C’est la première invitation, la culture du soin ; si nous l’embrassons, nous contribuons à faire grandir la semence de la fraternité. Et voici la deuxième invitation que je voudrais vous adresser : semer la fraternité. J’ai aimé ce que tu as dit, Abdulla : “Il faut être des champions non seulement sur les terrains de jeu, mais dans la vie !” Des champions hors des terrains de jeu. C’est vrai, soyez des champions de fraternité ! hors des terrains de jeu ! C’est le défi d’aujourd’hui pour gagner demain, le défi de nos sociétés, toujours plus globalisées et multiculturelles. Vous voyez, tous les outils et la technologie que la modernité nous offre ne suffisent pas à rendre le monde pacifique et fraternel. Nous le voyons bien : les vents de guerre ne s’apaisent pas avec le progrès technique. Nous constatons avec tristesse que, dans de nombreuses régions, les tensions et les menaces augmentent, et parfois même s’embrasent dans les conflits. Mais cela arrive souvent parce qu’on ne travaille pas sur le cœur, parce qu’on laisse les distances se creuser avec les autres, et ainsi les différences ethniques, culturelles, religieuses et autres deviennent des problèmes et des peurs qui isolent, plutôt que des opportunités pour grandir ensemble. Et quand elles semblent plus fortes que la fraternité qui nous lie, on risque l’affrontement.

À vous, les jeunes, qui êtes plus directs et plus capables de créer des contacts et des amitiés, en dépassant les préjugés et les barrières idéologiques, je voudrais dire : soyez des semeurs de fraternité et vous serez des récolteurs d’avenir, car le monde n’aura d’avenir que dans la fraternité ! C’est une invitation que je trouve au cœur de ma foi. « En effet – dit la Bible – celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. Et voici le commandement que nous tenons de lui : celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère » (1 Jn 4, 20-21). Oui, Jésus demande de ne jamais séparer l’amour pour Dieu de l’amour pour le prochain, en nous faisant nous-mêmes proches de tous (Lc 10, 29-37). De tous, pas seulement de ceux qui nous plaisent. Vivre en frères et sœurs est la vocation universelle confiée à toute créature. Et vous les jeunes – surtout vous –, devant la tendance dominante à rester indifférents et à se montrer impatients envers les autres, voire à cautionner des guerres et des conflits, vous êtes appelés à « réagir par un nouveau rêve de fraternité et d’amitié sociale qui ne se cantonne pas aux mots » (Fratelli tutti, n. 6). Les mots ne suffisent pas : il faut des gestes concrets réalisés au quotidien.

Posons-nous ici aussi quelques questions : suis-je ouvert aux autres ? Suis-je l’ami d’une personne qui ne fait pas partie de mon cercle d’intérêt, qui a une foi et des coutumes différentes des miennes ? Est-ce que je cherche la rencontre ou est-ce que je reste sur celles que j’ai ? La voie, c’est celle que nous a dite, en quelques mots, Nevin : “Créer de bonnes relations”, avec tous. En vous, les jeunes, le désir de voyager, de connaître de nouvelles terres, de dépasser les frontières des lieux habituels est vif. Je voudrais vous dire : sachez voyager aussi en vous, élargir les frontières intérieures pour que tombent les préjugés sur les autres, pour que se rétrécisse l’espace de la méfiance, pour que s’abattent les barrières de la peur, pour que germe l’amitié fraternelle ! Là aussi, laissez-vous aider par la prière qui élargit le cœur et qui, en nous ouvrant à la rencontre avec Dieu, nous aide à voir en qui nous rencontrons un frère et une sœur. À cet égard, elles sont belles les paroles d’un prophète qui dit : « N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ? Pourquoi nous trahir les uns les autres? » (Ml 2, 10). Des sociétés comme celle-ci, avec une richesse considérable de croyances, de traditions et de langues différentes, peuvent devenir des “gymnases de fraternité”. Nous sommes ici aux portes du grand et multiforme continent asiatique qu’un théologien a défini comme « un continent de langues » (A. Pieris, in Teologia in Asia, Brescia 2006, p. 5) : sachez les harmoniser dans l’unique langue, la langue de l’amour, en véritables champions de fraternité !

Je voudrais vous faire encore une troisième invitation : elle concerne le défi de faire des choix dans la vie. Vous le savez bien par l’expérience de chaque jour : il n’y a pas de vie sans défis à affronter. Et toujours, face à un défi, comme devant un carrefour, il faut choisir, s’impliquer, risquer, décider. Mais cela nécessite une bonne stratégie. On ne peut pas improviser en vivant seulement de l’instinct ou seulement dans l’instant présent ! Et comment faut-il faire pour se préparer, pour entraîner sa capacité à choisir, sa créativité, son courage, sa ténacité ? Comment affiner le regard intérieur, apprendre à juger les situations, à saisir l’essentiel ? Il s’agit de grandir dans l’art de s’orienter dans les choix, de prendre les bonnes directions. C’est pourquoi la troisième invitation est faire de choix dans la vie, des choix justes.

Tout cela m’est venu à l’esprit en repensant aux questions de Merina. Ce sont des questions qui expriment justement le besoin de comprendre la direction à prendre dans la vie – elle est courageuse, elle, de la façon dont elle a dit les choses ! Et je peux vous dire mon expérience : j’étais un adolescent comme vous, comme tout le monde, et ma vie était la vie normale d’un garçon. L’adolescence – nous le savons – est un chemin, c’est une phase de croissance, une période où nous entrons dans la vie sous ses aspects parfois contradictoires, en affrontant pour la première fois certains défis. Eh bien, mon conseil quel est-il ? Avancer sans peur, et jamais seuls ! Deux choses : avancer sans peur, et jamais seuls. Dieu ne vous laisse pas seuls mais, pour vous donner un coup de main, il attend que vous le lui demandiez. Il nous accompagne et nous guide. Non pas par des prodiges et des miracles, mais en parlant délicatement à travers nos pensées et nos sentiments, et aussi par l’intermédiaire de nos professeurs, de nos amis, de nos parents, et de toutes les personnes qui veulent nous aider.

Il faut alors apprendre à distinguer sa voix, la voix de Dieu qui nous parle. Et comment apprenons-nous cela ? Comme tu nous le disais, Merina : par la prière silencieuse, le dialogue intime avec Lui, en gardant dans notre cœur ce qui nous fait du bien et qui nous donne la paix. La paix est un signe de la présence de Dieu. Cette lumière de Dieu éclaire le labyrinthe de pensées, d’émotions et de sentiments dans lequel nous nous déplaçons souvent. Le Seigneur désire éclairer votre intelligence, vos pensées les plus intimes, les aspirations que vous portez dans votre cœur, les jugements qui mûrissent en vous. Il veut vous aider à distinguer ce qui est essentiel de ce qui est superflu, ce qui est bon de ce qui fait mal, à vous et aux autres, ce qui est juste de ce qui crée injustice et désordre. Rien n’est étranger à Dieu de ce qui se passe en nous, rien, mais souvent c’est nous qui nous éloignons de Lui, qui ne Lui confions pas les personnes et les situations, qui nous enfermons dans la crainte et la honte. Non, nourrissons dans la prière la certitude réconfortante que le Seigneur veille sur nous, qu’il ne s’endort pas mais nous regarde et nous garde toujours.

Chers amis, chers jeunes, l’aventure des choix ne se fait pas tout seul. Permettez-moi donc de vous dire une dernière chose : cherchez toujours, avant des suggestions sur internet, de bons conseillers dans la vie, des personnes sages et fiables qui puissent vous orienter, vous aider. D’abord cela. Je pense aux parents et aux enseignants, mais aussi aux personnes âgées, aux grands-parents et à un bon accompagnateur spirituel. Chacun de nous a besoin d’être accompagné sur le chemin de la vie ! Je répète ce que je vous ai dit : jamais seuls ! Nous avons besoin d’être accompagnés sur les routes de la vie.

Chers jeunes, nous avons besoin de vous, de votre créativité, de vos rêves et de votre courage, de votre sympathie et de vos sourires, de votre joie contagieuse et aussi de cette pincée de folie que vous savez porter en toute situation, et qui aide à sortir de la torpeur des habitudes et des schémas répétitifs dans lesquels nous enfermons parfois la vie. Comme Pape, je veux vous dire : l’Église est avec vous et a beaucoup besoin de vous, de chacun de vous, pour rajeunir, explorer de nouveaux sentiers, expérimenter de nouveaux langages, devenir plus joyeuse et hospitalière. Ne perdez jamais le courage de rêver et de vivre en grand ! Faites vôtre la culture du soin et répandez-la ; devenez des champions de fraternité ; affrontez les défis de la vie en vous laissant guider par la créativité fidèle de Dieu et par de bons conseillers. Et enfin, rappelez-vous de moi dans vos prières. Je ferai de même pour vous, en vous portant dans le cœur. Merci !

God be with you! Allah ma’akum! [Dieu soit avec vous]

Source : vatican.va
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Catéchèse sur le discernement – 12. La vigilance

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous entrons à présent dans la phase finale de ce parcours catéchétique sur le discernement. Nous nous sommes d’abord appuyés sur l’exemple de saint Ignace de Loyola ; nous avons ensuite considéré les éléments du discernement – à savoir la prière, la connaissance de soi, le désir et le « livre de la vie » – ; nous nous sommes penchés ensuite sur la désolation et la consolation, qui en constituent la « matière » ; puis nous en sommes parvenus à la confirmation du choix effectué.

Je considère qu’il est nécessaire à ce point de rappeler une attitude essentielle afin de ne pas perdre tout le travail effectué pour discerner le meilleur et prendre la bonne décision, et cette attitude serait celle de la vigilance. Nous avons fait le discernement, consolation et désolation ; nous avons fait un choix… Tout va bien, mais à présent il faut être vigilant : l’attitude de la vigilance. Car le risque est bien là, comme nous l’avons entendu dans le passage de l’Évangile qui a été lu. Le risque est là, et c’est que le  » trouble-fête « , c’est-à-dire le Malin, peut tout gâcher, nous faisant retourner au point de départ, voire dans un état encore pire. Et cela arrive, il faut donc être prudent et vigilant. C’est pourquoi il est indispensable d’être vigilant. C’est pourquoi aujourd’hui il me semble opportun de souligner cette attitude, dont nous avons tous besoin pour que le processus de discernement se termine bien et demeure.

En effet, dans sa prédication, Jésus insiste beaucoup sur le fait que le bon disciple est vigilant, qu’il ne s’endort pas, qu’il ne se laisse pas gagner par la présomption quand tout va bien, mais demeure alerte et prêt à accomplir son devoir.

Par exemple, dans l’Évangile de Luc, Jésus dit : « Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour des noces, pour lui ouvrir dès qu’il arrivera et frappera à la porte. Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller » (12,35-37).

Être vigilant pour surveiller notre cœur et comprendre ce qui se passe à l’intérieur. Il s’agit de l’état d’âme des chrétiens qui attendent la venue finale du Seigneur ; mais on peut aussi le comprendre comme l’attitude ordinaire à adopter dans la conduite de la vie, afin que nos bons choix, effectués parfois après un discernement exigeant, se réalisent avec persévérance et cohérence et portent du fruit.

Si la vigilance fait défaut, il y a un très fort risque, comme nous l’avons dit, que tout soit perdu. Ce n’est pas un danger d’ordre psychologique, mais d’ordre spirituel, un véritable piège de l’esprit mauvais. Celui-ci, en effet, attend le moment même où nous sommes trop sûrs de nous, c’est le danger : « Je suis sûr de moi, j’ai gagné, maintenant je suis bien… », c’est le moment que le mauvais esprit attend, quand tout va bien, quand tout va « à merveille » et quand nous avons, comme on dit, « le vent en poupe ». En effet, dans la petite parabole évangélique que nous avons entendue, il est dit que l’esprit impur, lorsqu’il revient dans la maison d’où il était sorti,  » il la trouve inoccupée, balayée et bien rangée » (Mt 12,44). Tout est en place, tout est en ordre, mais où est le maître de maison ? Il n’est pas là. Il n’y a personne pour la surveiller et la garder. C’est là le problème. Le maître de maison n’est pas là, il est sorti, il est distrait ; ou bien il est dans la maison, mais il dort, et donc c’est comme s’il n’était pas là. Il n’est pas vigilant, il n’est pas prudent, car il est trop sûr de lui et a perdu l’humilité de veiller sur son propre cœur. Nous devons toujours veiller sur notre maison, notre cœur et ne pas nous laisser distraire et aller… car là se trouve le problème, comme le disait la parabole.

Donc, l’esprit mauvais peut en profiter et retourner dans cette maison. L’Évangile dit cependant qu’il n’y retourne pas seul, mais en compagnie de  » sept autres esprits pires que lui  » (v. 45). Une compagnie de malfaiteurs, une bande de délinquants. Mais – demandons-nous – comment est-ce possible qu’ils puissent entrer sans être inquiétés ? Comment se fait-il que le maître ne s’en aperçoive pas ? N’avait-il pas été si doué à faire le discernement et à les chasser ? N’avait-il pas aussi reçu les compliments de ses amis et voisins sur cette maison si belle et élégante, si bien rangée et propre ? Oui, mais peut-être que, précisément à cause de cela, il était trop entiché de la maison, c’est-à-dire de soi-même, et qu’il avait cessé d’attendre le Seigneur, d’attendre la venue de l’Époux ; peut-être que, par peur de détruire cet ordre, il n’accueillait plus personne, il n’invitait plus les pauvres, les sans-abris, ceux qui dérangeaient… Une chose est sûre : il s’agit ici de mauvais orgueil, de la présomption d’avoir raison, de bien faire, d’être en règle. Tant de fois nous entendons : « Oui, j’étais mauvais avant, je me suis converti, et maintenant, la maison est en ordre grâce à Dieu, et tu es tranquille pour cela… »Quand nous avons trop confiance en nous-mêmes et non dans la grâce de Dieu, alors le Malin trouve la porte ouverte. Puis il organise l’expédition et prend possession de cette maison. Et Jésus conclut :  » L’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début  » (v. 45).

Mais le maître ne s’en aperçoit-il pas ? Non, parce que ce sont les démons polis : ils entrent sans que tu ne t’en rendes compte, ils frappent à la porte, ils sont polis. « Non ça va bien, ok, allez, entrez… » et puis ils finissent par commander dans ton âme. Méfiez-vous de ces diablotins, de ces démons : le diable est poli quand il se fait passer pour un grand seigneur. Car il entre chez nous comme l’un des nôtres pour ensuite se révéler comme il est chez lui. Il faut protéger la maison de cette supercherie des démons bien éduqués. Et la mondanité spirituelle va dans ce sens, toujours.

Chers frères et sœurs, cela semble impossible mais c’est ainsi. Tant de fois nous perdons, nous sommes vaincus dans les batailles, à cause de ce manque de vigilance. Tant de fois, peut-être, le Seigneur a donné tant de grâces et à la fin nous ne sommes pas capables de persévérer dans cette grâce et nous perdons tout, parce que nous manquons de vigilance : nous n’avons pas protégé les portes. Et puis nous avons été trompés par quelqu’un qui vient, éduqué, et entre et bonjour… le diable a ces trucs. Chacun peut également le vérifier en repensant à son histoire personnelle. Il ne suffit pas d’opérer un bon discernement et un bon choix. Non, ce n’est pas suffisant : il faut rester vigilant, conserver cette grâce que Dieu nous a donnée, mais être vigilant, parce que tu peux me dire :  » Mais quand je vois un certain désordre, je comprends tout de suite que c’est le diable, que c’est une tentation…  » oui, mais cette fois-ci il est déguisé en ange : le diable sait se déguiser en ange, il entre avec des mots courtois, et il te convainc et à la fin la situation est pire qu’au départ… Il faut rester vigilant, veiller sur son cœur. Si aujourd’hui je demandais à chacun d’entre nous et aussi à moi-même :  » qu’est-ce qui se passe dans ton cœur ? « . Nous ne pourrions peut-être pas tout dire : nous dirions une ou deux choses, mais pas tout. Veiller sur son cœur, car la vigilance est signe de sagesse, elle est surtout un signe d’humilité, parce que nous avons peur de tomber, et l’humilité est la voie royale de la vie chrétienne.

 

Source : vatican.va
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Jésus quitte la vie tranquille et cachée de Nazareth et s’installe à Capharnaüm, une ville située sur la mer de Galilée, un lieu de passage, un carrefour de peuples et de cultures différentes. L’urgence qui le pousse est l’annonce de la Parole de Dieu qui doit être portée à tous. Nous voyons en effet dans l’Évangile que le Seigneur invite tout le monde à la conversion et appelle les premiers disciples à transmettre à d’autres la lumière de la Parole (cf. Mt 4, 12-23). Saisissons ce dynamisme qui nous aide à vivre ce Dimanche de la Parole de Dieu : la Parole est pour tous, la Parole appelle à la conversion, la Parole rend annonciateurs.

La Parole de Dieu est pour tous. L’Évangile nous présente Jésus toujours en mouvement, en chemin vers les autres. En aucune occasion de sa vie publique, Il ne donne l’impression d’être un maître statique, un docteur assis en chaire. Au contraire, nous le voyons itinérant, nous le voyons pèlerin, parcourant villes et villages, rencontrant visages et histoires. Ses pieds sont ceux du messager qui annonce la bonne nouvelle de l’amour de Dieu (cf. Is 52, 7-8). En Galilée des nations, sur la route de la mer, au-delà du Jourdain, où Jésus prêche, se trouvait – note le texte – un peuple plongé dans les ténèbres : étrangers, païens, femmes et hommes de diverses régions et cultures (cf. Mt 4, 15-16). Maintenant, ils peuvent aussi voir la lumière.Et ainsi, Jésus “élargit les frontières” : la Parole de Dieu, qui guérit et relève, n’est pas destinée seulement aux justes d’Israël, mais à tous ; il veut atteindre ceux qui sont loin, il veut guérir les malades, il veut sauver les pécheurs, il veut rassembler les brebis perdues et soulager ceux qui ont le cœur fatigué et opprimé. Jésus, en somme, “franchit les limites” pour nous dire que la miséricorde de Dieu est pour tous. N’oublions pas cela : la miséricorde de Dieu est pour tous et pour chacun de nous. “La miséricorde de Dieu est pour moi”, chacun peut dire cela.

Cet aspect est fondamental pour nous aussi. Il nous rappelle que la Parole est un don adressé à chacun et que, par conséquent, nous ne pouvons jamais en restreindre le champ d’action puisqu’elle germe, au-delà de tous nos calculs, de manière spontanée, imprévue et imprévisible (cf. Mc 4, 26-28), selon les manières et aux moments que l’Esprit Saint connaît. Et si le salut est destiné à tous, même à ceux qui sont les plus éloignés et perdus, alors l’annonce de la Parole doit devenir la principale urgence de la communauté ecclésiale, comme ce fut le cas pour Jésus. Qu’il ne nous arrive pas de professer un Dieu au cœur large et d’être une Église au cœur étroit – cela serait, je me permets de le dire, une malédiction – ; de prêcher le salut pour tous et de rendre impraticable le chemin pour l’accueillir. Qu’il ne nous arrive pas de savoir que nous sommes appelés à porter l’annonce du Royaume et de négliger la Parole, en nous dispersant dans des activités ou des discussions secondaires. Apprenons de Jésus à mettre la Parole au centre, à élargir les frontières, à nous ouvrir aux gens, à créer des expériences de rencontre avec le Seigneur, en sachant que la Parole de Dieu « n’est pas cristallisée en formules abstraites et statiques, mais connaît une histoire dynamique faite de personnes et d’événements, de paroles et d’actions, de développements et de tensions ». [1]

Venons-en maintenant au deuxième aspect : la Parole de Dieu, qui est adressée à tous, appelle à la conversion. Jésus, en effet, répète dans sa prédication : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche » (Mt 4, 17). Cela signifie que la proximité de Dieu n’est pas neutre, sa présence ne laisse pas les choses comme elles sont, ne rend pas la vie paisible. Au contraire, sa Parole nous secoue, nous dérange, nous provoque au changement, à la conversion : elle nous met en crise parce qu’« elle est vivante, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants […] elle juge des intentions et des pensées du cœur » (He 4, 12).Et ainsi, comme une épée, la Parole pénètre dans la vie, nous faisant discerner les sentiments et les pensées du cœur, c’est-à-dire nous faisant voir quelle est la lumière du bien auquel donner de l’espace, et où s’épaississent les ténèbres des vices et des péchés à combattre. La Parole, lorsqu’elle entre en nous, transforme le cœur et l’esprit ; elle nous change, nous conduit à orienter notre vie vers le Seigneur.

C’est l’invitation de Jésus : Dieu s’est fait proche de toi. Donc prends conscience de sa présence, fais place à sa Parole et tu changeras le regard sur ta vie. Je voudrais le dire aussi de cette manière : mets ta vie sous la Parole de Dieu. C’est la voie que nous indique l’Église : tous, même les Pasteurs de l’Église, soyons sous l’autorité de la Parole de Dieu. Pas soumis à nos goûts, à nos tendances ou à nos préférences, mais à l’unique Parole de Dieu qui nous façonne, nous convertit, nous demande d’être unis dans l’unique Église du Christ.Alors, frères et sœurs, nous pouvons nous demander : ma vie, où trouve-t-elle sa direction, d’où puise-t-elle son orientation ? Des paroles diverses que j’entends, des idéologies ou de la Parole de Dieu qui me guide et me purifie ? Et quels sont en moi les domaines qui exigent changement et conversion ?

Enfin – troisième passage –, la Parole de Dieu, qui s’adresse à tous et appelle à la conversion, rend annonciateurs. Jésus, en effet, passe sur les rives du lac de Galilée et appelle Simon et André, deux frères qui étaient pêcheurs. Il les invite par sa Parole à le suivre, en leur disant qu’il les fera « pêcheurs d’hommes » (Mt 4, 19) : non plus seulement experts en barques, filets et poissons, mais experts dans la recherche des autres. Et, de même que pour la navigation et la pêche ils avaient appris à quitter le rivage et à jeter les filets au large, de même ils deviendront des apôtres capables de naviguer sur la mer ouverte du monde, d’aller à la rencontre des frères et d’annoncer la joie de l’Évangile.C’est le dynamisme de la Parole : elle nous attire dans le “filet” de l’amour du Père et nous rend apôtres qui ressentent le désir irrépressible de faire monter sur la barque du Royaume ceux qu’ils rencontrent. Et cela ce n’est pas du prosélytisme, car c’est la Parole de Dieu qui appelle, pas notre parole.

Sentons alors aujourd’hui que l’invitation à être des pêcheurs d’hommes nous est aussi adressée : sentons-nous appelés par Jésus en personne à annoncer sa Parole, à en témoigner dans les situations de chaque jour, à la vivre dans la justice et dans la charité, appelés à “lui donner chair” en caressant la chair de celui qui souffre. C’est notre mission : devenir des chercheurs de ceux qui sont perdus, de ceux qui sont opprimés et découragés, pour leur apporter non pas nous-mêmes, mais la consolation de la Parole, l’annonce dérangeante de Dieu qui transforme la vie, pour leur apporter la joie de savoir qu’Il est Père et qu’Il s’adresse à chacun, apporter la beauté de dire : “Frère, sœur, Dieu s’est fait proche de toi, écoute-le et tu trouveras un don merveilleux dans sa Parole !”

Frères et sœurs, je voudrais conclure en invitant simplement à remercier ceux qui se dépensent pour que la Parole de Dieu soit remise au centre, partagée et annoncée. Merci à ceux qui l’étudient et en approfondissent la richesse ; merci aux agents pastoraux et à tous ces chrétiens engagés dans l’écoute et dans la diffusion de la Parole, en particulier aux lecteurs et aux catéchistes : aujourd’hui je confère le ministère à certains d’entre eux. Merci à tous ceux qui ont accueilli les nombreuses invitations que j’ai faites à porter partout l’Évangile avec soi et à le lire chaque jour. Et enfin, un remerciement particulier aux diacres et aux prêtres : merci, chers frères, de ne pas faire manquer au Peuple saint de Dieu la nourriture de la Parole ; merci parce que vous vous engagez à la méditer, à la vivre et à l’annoncer ; merci pour votre service et vos sacrifices. Que la douce joie d’annoncer la Parole de salut soit une consolation et une récompense pour nous tous.

 

[1] La Parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église. Instrumentum laboris pour la XIIème Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, 2008, n. 10.

 

Source : vatican.va
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RENCONTRE AVEC LES ÉVÊQUES

 

Chers frères Évêques, bonjour !

Je suis heureux de vous rencontrer et je vous remercie de tout cœur pour votre accueil chaleureux. Merci à Mgr Utembi Tapa pour les salutations qu’il m’a adressées et de vous avoir donné la parole à travers les siennes. Je vous suis reconnaissant de la manière dont vous annoncez courageusement la consolation du Seigneur, en marchant au milieu du peuple, en partageant leurs peines et leurs espérances.

Il m’a été agréable de passer ces jours-ci dans votre pays, qui, avec sa grande forêt, est le « cœur vert » de l’Afrique, un poumon pour le monde entier. L’importance de ce patrimoine écologique nous rappelle que nous sommes appelés à protéger la beauté de la création et à la défendre contre les blessures causées par l’égoïsme prédateur. Mais cette immense étendue de verdure qu’est votre forêt est aussi une image qui parle à notre vie chrétienne : en tant qu’Église, nous avons besoin de respirer l’air pur de l’Évangile, chasser l’air pollué de la mondanité, garder le cœur juvénile de la foi. C’est ainsi que j’imagine l’Église africaine et c’est ainsi que je vois cette Église congolaise : une Église jeune, dynamique, joyeuse, animée par la soif missionnaire, par l’annonce que Dieu nous aime et que Jésus est le Seigneur. Votre Église est présente dans l’histoire concrète de ce peuple, enracinée en profondeur dans la réalité, actrice dans la charité ; une communauté capable d’attirer et de contaminer par son enthousiasme et, comme le font vos forêts, avec beaucoup d’ »oxygène ». Merci, d’être un poumon qui donne du souffle à l’Église universelle !

C’est laid de commencer un paragraphe par le mot « malheureusement », mais je dois le faire ! Malheureusement, je suis bien conscient que la communauté chrétienne de ce pays présente également une autre physionomie. Votre visage jeune, lumineux et beau est en effet marqué par la douleur et la fatigue, parfois par la peur et le découragement. C’est le visage d’une Église qui souffre pour son peuple, c’est un cœur qui bat au rythme de la vie du peuple avec ses joies et ses tribulations. C’est une Église signe visible du Christ qui, aujourd’hui encore, est rejeté, condamné et méprisé dans les nombreux crucifiés du monde, et qui pleure nos propres larmes. C’est une Église qui, comme Jésus, veut aussi sécher les larmes du peuple, en s’évertuant à prendre sur elle les blessures matérielles et spirituelles des gens, et en faisant couler sur elles l’eau vive qui guérit du côté du Christ.

Avec vous, frères, je vois Jésus souffrant dans l’histoire de ce peuple, peuple crucifié, peuple opprimé, frappé par une violence qui n’épargne pas, marqué par la souffrance des innocents ; un peuple contraint de vivre dans les eaux troubles de la corruption et de l’injustice qui polluent la société, et qui souffre de la pauvreté en tant de ses enfants. Mais je vois en même temps un peuple qui n’a pas perdu l’espérance, qui embrasse avec enthousiasme la foi et se tourne vers ses pasteurs, qui sait revenir au Seigneur et se remettre entre ses mains afin que la paix à laquelle il aspire, étouffée par l’exploitation, l’égoïsme partisan, par les poisons des conflits et des vérités manipulées, puisse enfin advenir comme un don d’en haut.

On en vient à se demander : comment exercer le ministère dans cette situation ? En pensant à vous, pasteurs du Peuple saint de Dieu, l’histoire de Jérémie m’est venue à l’esprit, un prophète appelé à vivre sa mission à un moment dramatique de l’histoire d’Israël, au milieu des injustices, des abominations et des souffrances. Il a dépensé sa vie à proclamer que Dieu n’abandonne jamais son peuple et fait émerger des projets de paix, même dans les situations qui semblent perdues et irrécupérables. Mais cette annonce consolante de la foi, Jérémie l’a vécue d’abord dans sa personne, il a le premier fait l’expérience de la proximité de Dieu. Ce n’est que de cette manière qu’il a pu apporter aux autres une courageuse prophétie d’espérance. Votre ministère épiscopal vit aussi entre ces deux dimensions dont je voudrais vous parler : la proximité de Dieu et la prophétie pour le peuple.

Avant tout, je voudrais vous dire : laissez-vous toucher et réconforter par la proximité de Dieu. Il est proche de nous. La première parole que le Seigneur adresse à Jérémie est celle-ci : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais » (Jr 1, 5). C’est une déclaration d’amour que Dieu grave dans le cœur de chacun d’entre nous, que personne ne peut effacer et qui, au milieu des tempêtes de la vie, devient une source de réconfort. Pour nous, qui avons reçu l’appel à être les pasteurs du Peuple de Dieu, il est important de nous appuyer sur cette proximité du Seigneur, en nous « structurant dans la prière », en nous tenant pendant des heures devant Lui. Ce n’est qu’ainsi que le peuple qui nous est confié se rapproche du Bon Pasteur, et ce n’est qu’ainsi que nous devenons vraiment des pasteurs, car sans Lui nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15, 5). Nous serions des entrepreneurs, des « maîtres », mais nous ne suivrions pas l’appel du Seigneur. Sans Lui, nous ne pouvons rien faire. Qu’il ne nous arrive pas de nous considérer comme autosuffisants, et encore moins de voir dans l’épiscopat la possibilité d’accéder à une position sociale et d’exercer un pouvoir. Cet horrible esprit de  » carriérisme « . Et surtout : que n’entre pas l’esprit mondain qui nous fait interpréter le ministère selon les critères de nos intérêts lucratifs personnels, qui nous rend froids et détachés dans l’administration de ce qui nous est confié, qui nous pousse à nous servir de la fonction au lieu de servir les autres, et à ne plus nous soucier de la relation indispensable, humble et quotidienne, de la prière. N’oublions pas que la mondanité est le pire qui puisse arriver à l’Église, c’est le pire. J’ai toujours été touché par la fin du livre du cardinal de Lubac sur l’Église, les trois ou quatre dernières pages, où il dit : la mondanité spirituelle est le pire qui puisse arriver, pire encore que l’époque des papes mondains et concubins. C’est pire. Et la mondanité est toujours à l’affût. Soyons attentifs !

Chers frères évêques, soignons notre proximité avec le Seigneur afin d’être ses témoins crédibles et les porte-paroles de son amour auprès du peuple. C’est à travers nous qu’il veut l’oindre de l’huile de la consolation et de l’espérance ! Vous êtes la voix avec laquelle Dieu veut dire aux Congolais : « Tu es un peuple consacré au Seigneur ton Dieu » (Dt 7, 6). L’annonce de l’Évangile, l’animation de la vie pastorale, la conduite du peuple ne peuvent se réduire à des principes éloignés de la réalité de la vie quotidienne, mais doivent toucher les blessures et communiquer la proximité divine, afin que les personnes découvrent leur dignité de fils de Dieu et apprennent à marcher la tête haute, sans jamais s’incliner devant les humiliations et les oppressions. Par vous, ce peuple a la grâce de s’entendre dire des paroles semblables à celles que le Seigneur adressa à Jérémie : « Tu es un peuple béni, avant de te former dans le ventre de ta mère, j’ai pensé à toi, je t’ai connu, je t’ai aimé ». Si nous cultivons la proximité avec Dieu, nous serons poussés vers le peuple et nous éprouverons toujours de la compassion pour ceux qui nous sont confiés. Cette attitude de compassion, qui n’est pas un sentiment, c’est un souffrir avec. Réconfortés et fortifiés par le Seigneur, nous devenons à notre tour des instruments de consolation et de réconciliation pour les autres, pour guérir les blessures de ceux qui souffrent, apaiser la peine de ceux qui pleurent, relever les pauvres, libérer les personnes de nombreuses formes d’esclavage et d’oppression. C’est dire que la proximité de Dieu fait de nous des prophètes pour le peuple, capables de semer la Parole qui sauve dans l’histoire blessée de cette terre.

Et pour approfondir ce deuxième point, la prophétie pour le peuple, regardons à nouveau l’expérience de Jérémie. Après avoir reçu la Parole aimante et consolante de Dieu, il est appelé à être « prophète pour les nations » (Jr 1, 5), envoyé pour apporter la lumière dans les ténèbres, pour témoigner dans un contexte de violence et de corruption. Et Jérémie, qui dévore la Parole du Seigneur, car elle est pour lui joie et allégresse du cœur (cf. Jr 15, 10), confesse que cette même Parole sème en lui une inquiétude irrépressible et le pousse à aller vers les autres pour qu’ils soient touchés par la présence de Dieu. Il écrit : « Elle était comme un feu brûlant dans mon cœur, elle était enfermée dans mes os. Je m’épuisais à la maîtriser, sans y réussir » (Jr 20, 9). Nous ne pouvons pas garder la Parole de Dieu pour nous seuls, nous ne pouvons pas contenir sa puissance : elle est un feu qui brûle notre apathie et allume en nous le désir d’éclairer ceux qui sont dans les ténèbres. La Parole de Dieu est un feu qui brûle à l’intérieur et qui nous pousse à sortir ! Voilà notre identité épiscopale : brûlés par la Parole de Dieu, en sortie vers le peuple de Dieu, avec zèle apostolique !

Mais – nous pouvons nous demander – en quoi consiste cette annonce prophétique de la Parole, cette ardeur? Le Seigneur dit au prophète Jérémie : « Voici, je mets dans ta bouche mes paroles ! Vois : aujourd’hui, je te donne autorité sur les nations et les royaumes, pour arracher et renverser, pour détruire et démolir, pour bâtir et planter » (Jr 1, 9-10). Ce sont des verbes forts : d’abord arracher et renverser, pour finalement bâtir et planter. Il s’agit de collaborer à une histoire nouvelle que Dieu veut construire dans un monde de perversion et d’injustice. Vous aussi, donc, vous êtes appelés à continuer à faire entendre votre voix prophétique pour que les consciences se sentent interpellées et que chacun devienne acteur et responsable d’un avenir différent. Il faut donc arracher les plantes vénéneuses de la haine et de l’égoïsme, de la rancœur et de la violence ; renverser les autels consacrés à l’argent et à la corruption ; bâtir une coexistence basée sur la justice, la vérité et la paix ; et, enfin, planter les graines de la renaissance pour que le Congo de demain soit vraiment ce dont le Seigneur rêve : une terre bénie et heureuse, plus jamais violentée, opprimée ni ensanglantée.

Mais attention, il ne s’agit pas d’une action politique. La prophétie chrétienne s’incarne dans de multiples actions politiques et sociales, mais telle n’est pas la tâche des évêques et des pasteurs en général. Elle est d’annoncer la Parole pour éveiller les consciences, pour dénoncer le mal, pour réconforter ceux qui sont affligés et sans espérance.  » Consolez, consolez mon peuple  » : cette devise qui revient, revient, est une invitation du Seigneur : consolez le peuple. « Consolez, consolez mon peuple ». Il s’agit d’une annonce faite non seulement de mots mais aussi de proximité et de témoignage : proximité, tout d’abord, avec les prêtres – les prêtres sont ceux qui sont les plus proches d’un évêque -, écoute des agents pastoraux, encouragement de l’esprit synodal pour travailler ensemble. Et le témoignage, parce que les pasteurs doivent être crédibles, avant tout, en toutes choses, et en particulier dans le fait de cultiver la communion, dans la vie morale et dans l’administration des biens. Il est essentiel, en ce sens, de savoir construire l’harmonie sans se mettre sur des piédestaux, sans rudesses, mais en donnant le bon exemple du soutien et du pardon mutuel, en travaillant ensemble comme des modèles de fraternité, de paix et de simplicité évangéliques. Qu’il n’arrive jamais, alors que le peuple souffre de la faim, que l’on puisse dire de vous : « Ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce » (Mt 22, 5). Non, le commerce, s’il vous plaît, laissons-le en dehors de la vigne du Seigneur ! Un pasteur ne peut pas être un homme d’affaires, il ne peut pas ! Nous sommes pasteurs et serviteurs du peuple de Dieu, pas des administrateurs de biens, pas des hommes d’affaires, des pasteurs ! L’administration de l’évêque doit être celle du berger : devant le troupeau, au milieu du troupeau, derrière le troupeau. Devant le troupeau pour montrer le chemin ; au milieu du troupeau pour sentir le troupeau, pour ne pas le perdre ; derrière le troupeau pour aider ceux qui vont plus lentement, et aussi pour laisser le troupeau seul pendant un moment et voir où il trouve des pâturages. Le berger doit se déplacer dans ces trois directions.

Chers frères évêques, j’ai partagé avec vous ce que je portais dans mon cœur : cultiver la proximité avec le Seigneur afin d’être des signes prophétiques de sa compassion pour le peuple. Je vous prie de ne pas négliger le dialogue avec Dieu et de ne pas laisser le feu de la prophétie s’éteindre, à cause de calculs ou de compromis avec le pouvoir, ni à cause d’une vie tranquille et routinière. Face au peuple qui souffre et face à l’injustice, l’Évangile exige que nous élevions la voix. Quand nous élevons notre voix selon Dieu, nous risquons. C’est ce qu’a fait l’un de vos frères, le serviteur de Dieu Mgr Christophe Munzihirwa, un pasteur courageux et une voix prophétique, qui a gardé son peuple en offrant sa vie. La veille de sa mort, il avait envoyé un message à tous en disant : « En ces jours, que pouvons-nous encore faire ? Restons fermes dans la foi. Ayons confiance que Dieu ne nous abandonnera pas et que, de quelque part, une petite lueur d`espérance naîtra pour nous. Dieu ne nous abandonnera pas si nous nous engageons à respecter la vie de nos voisins, quel que soit le groupe ethnique auquel ils appartiennent ». Le lendemain, il a été tué sur la place de la ville, mais sa graine, plantée dans cette terre, avec celle de beaucoup d’autres, portera du fruit. Il est bon de se souvenir, avec gratitude, des grands pasteurs qui ont marqué l’histoire de votre pays et de votre Église, de ceux qui vous ont évangélisés et précédés dans la foi. Frères, ils sont vos racines qui vous fortifient dans l’ardeur évangélique. Je pense à tout le bien que reçu par le fait d’avoir connu le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya.

Bien-aimés, n’ayez pas peur d’être des prophètes d’espérance pour le peuple, des voix concordantes de la consolation du Seigneur, des témoins et des messagers joyeux de l’Évangile, des apôtres de la justice, des Samaritains de la solidarité, des témoins de la miséricorde et de la réconciliation au milieu des violences déclenchées, non seulement par l’exploitation des ressources et les conflits ethniques et tribaux, mais aussi et surtout par la puissance obscure du malin, l’ennemi de Dieu et de l’homme. Mais ne vous découragez jamais : le Crucifié est ressuscité, Jésus est victorieux, bien plus, il a déjà vaincu le monde (cf. Jn 16, 33) et il veut briller en vous, dans votre précieux travail, dans votre ensemencement fécond de paix ! Frères, je veux vous remercier pour votre service, pour votre zèle pastoral, pour votre témoignage.

Et, maintenant que je suis arrivé au terme de ce voyage, je tiens à vous exprimer toute ma gratitude, ainsi qu’à ceux qui l’ont préparé ici. Vous avez eu la patience d’attendre un an, vous êtes bons ! Merci pour cela ! Vous avez dû travailler deux fois, car la première fois la visite a été annulée, mais je sais que vous êtes miséricordieux envers le Pape! Merci beaucoup ! En juin prochain, vous célébrerez le Congrès eucharistique national à Lubumbashi. Jésus est vraiment présent et à l’œuvre dans l’Eucharistie ; là, il restaure et guérit, console et unit, illumine et transforme ; là, il inspire, soutient et rend votre ministère efficace. Que la présence de Jésus, le pasteur doux et humble, vainqueur du mal et de la mort, transforme ce grand pays et soit toujours votre joie et votre espérance ! Je vous bénis de tout cœur.

Je voudrais ajouter une seule chose : j’ai dit  » soyez miséricordieux « . La miséricorde. Pardonnez toujours. Quand un croyant vient se confesser, il vient demander le pardon, il vient demander la caresse du Père. Et nous, d’un doigt accusateur : « Combien de fois ? Et comment l’avez-vous fait ?… ». Non, pas ça. Pardonnez. Toujours. « Mais je ne sais pas…, parce que le code me dit… ». Le code nous devons l’observer, car il est important, mais le cœur du pasteur va au-delà ! Prenez le risque. Pour le pardon, prenez des risques. Toujours. Pardonnez toujours dans le Sacrement de la Réconciliation. Et ainsi vous sèmerez le pardon pour l’ensemble de la société.

Je vous bénis de tout mon cœur. Et s’il vous plait, continuez à prier pour moi, car cette charge est un peu difficile ! Mais je me confie à vous. Merci.

 

RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS, LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LE CORPS DIPLOMATIQUE

Monsieur le Président de la République,
Messieurs les Vice-Présidents,
Membres illustres du Gouvernement et du Corps diplomatique,
Autorités religieuses distinguées,
Représentants insignes de la société civile et du monde de la culture,
Mesdames et Messieurs !

Merci, Monsieur le Président pour vos paroles. Je suis heureux d’être sur cette terre que je porte dans mon cœur. Je vous remercie, Monsieur le Président, pour l’accueil que vous m’avez réservé. Je salue cordialement chacun de vous et, à travers vous, toutes les femmes et les hommes qui peuplent ce jeune et cher pays. Je viens comme pèlerin de réconciliation, avec le rêve de vous accompagner sur votre chemin de paix, un chemin tortueux mais qui ne peut plus être reporté. Je ne suis pas venu seul, parce que dans la paix, comme dans la vie, on marche ensemble. Je suis donc chez vous avec deux frères, l’Archevêque de Canterbury et le Modérateur de l’Assemblée générale de l’Église d’Écosse, que je remercie pour ce qu’ils nous diront. Ensemble, nous nous présentons à vous et à ce peuple au nom de Jésus-Christ, Prince de la paix.

Nous avons en effet entrepris ce pèlerinage œcuménique de paix après avoir écouté le cri de tout un peuple qui, avec grande dignité, pleure à cause de la violence qu’il subit, du perpétuel manque de sécurité, de la pauvreté qui le frappe et des catastrophes naturelles qui sévissent. Les années de guerres et de conflits ne semblent pas connaître de fin et même, récemment, hier, de durs affrontements ont eu lieu alors que les processus de réconciliation semblent paralysés et que les promesses de paix restent inaccomplies. Que cette souffrance épuisante ne soit pas vaine. Que la patience et les sacrifices du peuple sud-soudanais, de cette population jeune, humble et courageuse, nous interpellent tous. Qu’ils voient éclore des germes de paix qui portent du fruit, tels des semences qui en terre donnent vie à la plante. Frères et sœurs, l’heure de la paix est venue !

Les fruits et la végétation abondent ici, grâce au grand fleuve qui traverse le pays. Ce que l’historien de l’antiquité Hérodote disait de l’Égypte, qu’elle un “don du Nil”, vaut aussi pour le Soudan du Sud., Comme on le dit ici, cette terre est vraiment une “terre de grande abondance”. Je voudrais donc me laisser porter par l’image du grand fleuve qui traverse ce pays récent mais à l’histoire ancienne. Au cours des siècles, les explorateurs se sont introduits sur le territoire où nous sommes pour remonter le Nil Blanc à la recherche des sources du fleuve le plus long du monde. C’est par la recherche des sources du vivre ensemble que je voudrais commencer mon parcours avec vous. Parce que cette terre, qui regorge de tant de biens dans le sous-sol, mais surtout dans les cœurs et les esprits de ses habitants, a aujourd’hui besoin d’être à nouveau désaltérée par des sources fraîches et vitales.

Autorités distinguées, c’est vous qui êtes ces sources, les sources qui irriguent la cohabitation, les pères et les mères de ce jeune pays. Vous êtes appelées à régénérer la vie sociale, comme des sources limpides de prospérité et de paix, car c’est de cela dont ont besoin les fils du Soudan du Sud : ils ont besoin de pères, non de maîtres ; d’étapes stables de développement, non de chutes continuelles. Les années qui ont suivi la naissance du pays, marquées par une enfance blessée, doivent laisser place à une croissance pacifique : le moment est venu. Illustres Autorités, vos “enfants” et l’histoire elle-même se rappelleront de vous dans la mesure où vous aurez fait du bien à cette population qui vous a été confiée pour la servir. Les générations futures honoreront ou effaceront la mémoire de vos noms en fonction de ce que vous faites maintenant parce que, comme le fleuve quitte ses sources pour commencer son cours, le cours de l’histoire laissera derrière les ennemis de la paix et donnera de l’éclat à ceux qui œuvrent pour la paix. En effet, comme l’enseigne l’Écriture, « un avenir est promis aux pacifiques » (cf. Ps 37, 37).

La violence, au contraire, fait reculer le cours de l’histoire. Le même Hérodote en relevait les bouleversements générationnels, notant qu’en guerre ce ne sont plus les enfants qui enterrent les pères, mais les pères qui enterrent les enfants (cf. Histoires, I, 87). Je vous prie, de tout cœur d’accueillir une parole simple pour que cette terre ne se réduise pas à un cimetière, mais redevienne un jardin florissant. Non pas la mienne, mais celle du Christ. Il l’a prononça dans un jardin, à Gethsémani, lorsque, voyant l’un de ses disciples qui avait dégainé l’épée, il dit : « Assez ! » (Lc 22, 51). Monsieur le Président, Messieurs les Vice-Présidents, au nom de Dieu, du Dieu qu’ensemble nous avons prié à Rome, du Dieu doux et humble de cœur (cf. Mt 11, 29) en qui tant de personnes de ce cher pays croient, il est temps de dire assez, sans “si” et sans “mais” : assez de sang versé, assez de conflits, assez de violences et d’accusations réciproques sur ceux qui les commettent, assez d’abandonner le peuple assoiffé de paix. Assez de destructions, c’est l’heure de la construction ! Que le temps de la guerre soit rejeté et que se lève un temps de paix! À à ce propos, Monsieur le Président, je porte dans mon cœur cette rencontre nocturne que nous avons eue il y a plusieurs années en Ouganda : votre volonté de paix était là… progressons là-dessus.

Revenons aux sources du fleuve, à l’eau qui symbolise la vie. Aux sources de ce pays il y a un autre mot qui désigne le parcours entrepris par le peuple sud-soudanais le 9 juillet 2011 : République. Mais que signifie être une res publica ? Cela signifie se reconnaître comme une réalité publique, affirmer que l’État est pour tous ; et donc que ceux qui, en son sein, assument des responsabilités majeures, le présidant ou le gouvernant, ne peuvent que se mettre au service du bien commun. Voilà le but du pouvoir : servir la communauté. La tentation qui guette toujours est de s’en servir pour ses propres intérêts. Il ne suffit donc pas de s’appeler République, il faut l’être, à partir des biens primaires : que les ressources abondantes avec lesquelles Dieu a béni cette terre ne soient pas réservées à quelques-uns, mais l’apanage de tous, et que des projets de répartition équitable des richesses correspondent aux plans de relance économique.

Le développement démocratique est fondamental pour la vie d’une République. Il protège la distinction bénéfique des pouvoirs, de sorte que, par exemple, celui qui administre la justice puisse l’exercer sans conditionnement de la part de celui qui légifère ou gouverne. La démocratie suppose également le respect des droits humains, protégés par la loi et son application, et en particulier la liberté d’exprimer ses idées. Il faut en effet rappeler que sans justice il n’y a pas de paix (cf. saint Jean-Paul II, Message pour la célébration de la 35ème Journée Mondiale de la Paix, 1er janvier 2002), mais aussi que sans liberté il n’y a pas de justice. Il faut donc donner à toute citoyenne et tout citoyen la possibilité de disposer du don unique et irremplaçable de l’existence avec les moyens appropriés pour le réaliser : comme l’écrivait le Pape Jean, « tout être humain a droit à la vie, à l’intégrité physique et aux moyens nécessaires et suffisants pour une existence décente » (saint Jean XXIII, Lett. enc. Pacem in terris, n. 11).

Le Nil, après avoir quitté ses sources, traversé des zones accidentées créant des cascades et des rapides, et une fois entré dans la plaine sud-soudanaise, à proximité de Djouba, il devient navigable, pour ensuite pénétrer dans des zones plus marécageuses. Par analogie, j’espère que le chemin de paix de la République ne progressera pas avec des hauts et des bas, mais, qu’à partir de cette capitale, il deviendra praticable, sans rester enlisé dans l’inertie. Chers amis, il est temps de passer des paroles aux faits. Il est temps de tourner la page, le temps est venu de l’engagement pour une transformation urgente et nécessaire. Le processus de paix et de réconciliation demande un nouveau sursaut. Que l’on s’entende et que l’on face avancer l’Accord de paix, ainsi que la Feuille de route ! Dans un monde marqué par les divisions et les conflits, ce pays accueille un pèlerinage œcuménique de paix, qui constitue une rareté ; qu’il marque un changement de rythme, qu’il soit l’occasion, pour le Soudan du Sud, de recommencer à naviguer sur des eaux tranquilles, en reprenant le dialogue, sans duplicités ni opportunismes. Qu’il soit pour tous une occasion de relancer l’espérance, pas seulement pour le Gouvernement, mais pour tous : que chaque citoyen comprenne que ce n’est plus le moment de se laisser emporter par les eaux insalubres de la haine, du tribalisme, du régionalisme et des différences ethniques. Frères et sœurs, le temps est venu de naviguer ensemble vers l’avenir ! Ensemble. Ce mot ne doit pas être oublié : ensemble.

Le parcours du grand fleuve nous aide encore, en nous suggérant la manière. Dans son cours, près du lac No il rejoint un autre fleuve, donnant vie à ce qu’on appelle le Nil Blanc. La clarté limpide des eaux jaillit donc de la rencontre. Telle est la voie, frères et soeurs : se respecter, se connaître, dialoguer. Car, si derrière toute violence il y a de la colère et de la rancœur – et derrière toute colère et rancœur il y a le souvenir non guérie de blessures, d’humiliations et d’offenses – la seule direction pour en sortir est celle de la rencontre, la culture de la rencontre : accueillir les autres comme des frères et leur donner de l’espace, y compris en sachant faire des concessions. Cette attitude, essentielle pour les processus de paix, est également indispensable pour le développement homogène de la société. Et pour passer de l’incivilité de l’affrontement à la civilité de la rencontre, le rôle que les jeunes peuvent et veulent jouer est décisif. Que des espaces libres de rencontre pour se retrouver et débattre leurs soient donc assurés ; et qu’ils puissent prendre en main, sans crainte, l’avenir qui leur appartient ! Que les femmes, les mères qui savent comment l’on donne et conserve la vie, soient également davantage impliquées dans les processus politiques et décisionnels. Qu’il y ait du respect à leur égard, car celui qui commet une violence contre une femme la commet contre Dieu, qui d’une femme a pris chair.

Le Christ, le Verbe incarné, nous a enseigné que plus on se fait petit, en donnant de l’espace aux autres et en accueillant le prochain comme un frère, plus on devient grand aux yeux du Seigneur. La jeune histoire de ce pays déchiré par des affrontements ethniques, a besoin de retrouver la mystique de la rencontre, la grâce du fait d’être ensemble. Il faut regarder au-delà des groupes et des différences pour marcher comme un seul peuple, dans lequel, comme pour le Nil, les différents affluents apportent des richesses. Ce fut précisément à par le fleuve que les premiers missionnaires, il y a plus d’un siècle, arrivèrent sur ces rivages ; à leur présence s’est ajouta au fil du temps celle de nombre de travailleurs humanitaires. Je voudrais tous les remercier pour le travail précieux qu’ils font. Mais je pense aussi aux missionnaires qui, malheureusement, trouvent la mort en semant la vie. Ne les oublions pas et n’oublions pas de leur garantir, ainsi qu’aux travailleurs humanitaires, la sécurité, ainsi que les soutiens nécessaires à leurs œuvres pour que le fleuve du bien continue à couler.

Un grand fleuve, cependant, peut parfois déborder et provoquer des catastrophes. Sur cette terre, les nombreuses victimes d’inondations l’ont malheureusement expérimenté, auxquelles j’exprime ma proximité, en demandant qu’elles ne soient pas privées d’aides appropriées. Les catastrophes naturelles révèlent une création blessée et chamboulée, qui, source de vie peut se transformer en menace de mort. Il faut en prendre soin avec un regard clairvoyant, tourné vers les générations futures. Je pense en particulier à la nécessité de lutter contre la déforestation causée par l’avidité du gain.

Pour éviter les inondations d’un fleuve, il est nécessaire de garder son lit propre. Par métaphore, le nettoyage dont le cours de la vie sociale a besoin est la lutte contre la corruption. Circuits financiers injustes, intrigues cachées pour s’enrichir, affaires clientélistes, manque de transparence : voilà le fond pollué de la société humaine, qui fait manquer les ressources nécessaires à ceux qui en ont le plus besoin. Il faut d’abord combattre la pauvreté, qui constitue le terrain fertile dans lequel s’enracinent les haines, les divisions et la violence. L’urgence d’un pays civilisé est de prendre soin de ses citoyens, en particulier des plus fragiles et des plus défavorisés. Je pense surtout aux millions de personnes déplacées qui habitent ici : combien ont dû quitter leur maison et se trouvent reléguées en marge de la vie à la suite d’affrontements et de déplacements forcés !

Pour que les eaux de vie ne se transforment pas en dangers de mort, il est essentiel de doter un fleuve de digues adéquates. Il en va de même pour la coexistence humaine. Il faut en premier lieu endiguer l’arrivée d’armes qui, malgré les interdictions, continuent d’arriver dans de nombreux pays de la zone, y compris au Soudan du Sud. Beaucoup de choses sont nécessaires ici, mais certainement pas d’instruments de mort supplémentaires. D’autres digues sont indispensables pour garantir le cours de la vie sociale : je fais référence au développement de politiques de santé adéquates, au besoin d’infrastructures vitales et, en particulier, au rôle primordial de l’alphabétisation et de l’éducation, seule voie pour que les enfants de cette terre prennent leur avenir en main. Comme tous les enfants de ce continent et du monde, ils ont le droit de grandir avec en main des cahiers et des jouets, pas des instruments de travail ni des armes.

Le Nil Blanc, enfin, quitte le Soudan du Sud, traverse d’autres États, il rencontre le Nil Bleu et arrive à la mer : le fleuve ne connaît pas de frontières, mais il relie des territoires. De même, pour atteindre un développement convenable, il est essentiel, aujourd’hui plus que jamais, de cultiver des relations positives avec d’autres pays, à commencer par ceux qui sont autour. Je pense également à la précieuse contribution de la Communauté internationale à l’égard de ce pays : j’exprime ma reconnaissance pour l’engagement visant à en favoriser la réconciliation et le développement. Je suis convaincu que, pour apporter des contributions fructueuses, la compréhension réelle des dynamiques et des problèmes sociaux est indispensable. Il ne suffit pas de les observer et de les dénoncer de l’extérieur. Il faut s’impliquer, avec patience et détermination et, plus généralement, résister à la tentation d’imposer des modèles préétablis et étrangers à la réalité locale. Comme le disait saint Jean-Paul II, il y a trente ans, au Soudan : « Des solutions africaines doivent être trouvées aux problèmes africains » (Appel à la Cérémonie de bienvenue, 10 février 1993).

Monsieur le Président, distinguées Autorités, en suivant le cours du Nil, j’ai voulu m’introduire dans le cheminement de ce pays qui m’est cher autant qu’il est jeune. Je sais que certaines de mes expressions peuvent avoir été franches et directes, mais je vous prie de croire que cela naît de l’affection et de la préoccupation avec lesquelles je suis vos vicissitudes, avec les frères avec lesquels je suis venu ici, pèlerin de paix. Nous désirons offrir de tout cœur notre prière et notre soutien afin que le Soudan du Sud se réconcilie et change de cap, pour que son cours vital ne soit plus empêché par l’inondation de la violence, entravé par les marais de la corruption et anéanti par le débordement de la pauvreté. Que le Seigneur du ciel, qui aime cette terre, lui donne un temps nouveau de paix et de prospérité : que Dieu bénisse la République du Soudan du Sud ! Merci.

 

Source : vatican.va
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Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons les catéchèses sur les témoins du zèle apostolique. Nous avons commencé avec saint Paul et la dernière fois nous avons considéré les martyrs, qui proclament Jésus par leur vie, jusqu’à donner leur vie pour Lui et pour l’Évangile. Mais il y a un autre grand témoignage qui traverse l’histoire de la foi : celui des moniales et des moines, des sœurs et des frères qui renoncent à eux-mêmes, ils renoncent au monde pour imiter Jésus sur le chemin de la pauvreté, de la chasteté et de l’obéissance et pour intercéder en faveur de tous. Leurs vies parlent d’elles-mêmes, mais nous pouvons nous demander comment les personnes vivant dans des monastères peuvent-elles contribuer à l’annonce de l’Évangile ? Ne feraient-ils pas mieux de mettre leur énergie au service de la mission ? En sortant du monastère et en prêchant l’Évangile en dehors du monastère ? En réalité, les moines sont le cœur battant de l’annonce : leur prière est l’oxygène de tous les membres du Corps du Christ, leur prière est la force invisible qui soutient la mission. Ce n’est pas un hasard si la patronne des missions est une moniale, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Écoutons comment elle a découvert sa vocation, elle écrivait ainsi : « J’ai compris que l’Église a un cœur, un cœur brûlant d’amour. J’ai compris que seul l’amour pousse les membres de l’Église à l’action et que, si cet amour s’éteignait, les apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les martyrs ne verseraient plus leur sang. J’ai compris et su que l’amour embrasse en lui toutes les vocations […]. Alors, avec une joie immense et extase de l’âme, je me suis écriée : O Jésus, mon amour, j’ai enfin trouvé ma vocation. Ma vocation est l’amour. […] Dans le cœur de l’Église, ma mère, je serai l’amour » (Manuscrit autobiographique « B », 8 septembre 1896). Les contemplatifs, les moines, les moniales : des personnes qui prient, travaillent, prient en silence, pour toute l’Église. Et c’est l’amour : c’est l’amour qui s’exprime en priant pour l’Église, en travaillant pour l’Église, dans les monastères.

Cet amour pour tous anime la vie des moines et se traduit dans leur prière d’intercession. À cet égard, je voudrais vous citer en exemple saint Grégoire de Narek, Docteur de l’Église. C’est un moine arménien, qui a vécu vers l’an mille, et qui nous a laissé un livre de prières dans lequel s’exprime la foi du peuple arménien, le premier à avoir embrassé le christianisme, un peuple qui, en restant fidèle à la croix du Christ, a tant souffert tout au long de l’histoire. Et Saint Grégoire passa presque toute sa vie au monastère de Narek. C’est là qu’il apprit à scruter les profondeurs de l’âme humaine et, en fusionnant ensemble la poésie et la prière, il marqua l’apogée de la littérature et de la spiritualité arméniennes. Ce qui frappe le plus chez lui, c’est la solidarité universelle dont il est l’interprète. Et parmi les moines et les moniales, il existe une solidarité universelle : tout ce qui se passe dans le monde trouve une place dans leur cœur et ils prient. Le cœur des moines et des moniales est un cœur qui capte, comme une antenne, ce qui se passe dans le monde et qui prie et intercède pour cela. Ils vivent ainsi en union avec le Seigneur et avec tout le monde. Et saint Grégoire de Narek écrit : « J’ai pris volontairement sur moi toutes les fautes, depuis celles du premier père jusqu’à celles du dernier de ses descendants ». (Livre des Lamentations, 72). Et comme Jésus l’a fait, les moines prennent sur eux les problèmes du monde, les difficultés, les maladies, tant de choses, et prient pour les autres. Et ce sont eux les grands évangélisateurs. Comment se fait-il que les monastères vivent fermés et évangélisent ? Parce que par la parole, l’exemple, l’intercession et le travail quotidien, les moines sont un pont d’intercession pour tous les hommes et pour les péchés. Ils pleurent aussi avec des larmes, ils pleurent pour leurs propres péchés – nous sommes tous pécheurs – et ils pleurent aussi pour les péchés du monde, et ils prient et intercèdent avec leurs mains et leurs cœurs vers le ciel. Pensons un peu à cette « réserve » – si je puis dire – que nous avons dans l’Église : ils sont la vraie force, la vraie force qui fait avancer le peuple de Dieu, et c’est de là que vient l’habitude qu’ont les gens – le peuple de Dieu – quand ils rencontrent une personne consacrée, une personne consacrée, de dire : « Priez pour moi, priez pour moi », parce que vous savez qu’il y a une prière d’intercession. Cela nous fera du bien – dans la mesure du possible – de visiter un monastère, parce qu’on y prie et qu’on y travaille. Chacun a sa propre règle, mais les mains y sont toujours occupées : occupées par le travail, occupées par la prière. Que le Seigneur nous donne de nouveaux monastères, qu’il nous donne des moines et des moniales qui fassent avancer l’Église par leur intercession. Je vous remercie.

 

Source : vatican.va
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MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS
POUR LA 108ème JOURNÉE MONDIALE DU MIGRANT ET DU RÉFUGIÉ 2023

(24 septembre 2023)

Libre de choisir d’émigrer ou de rester

 

Chers frères et sœurs !

Les flux migratoires actuels sont l’expression d’un phénomène complexe et articulé, dont la compréhension requiert une analyse attentive de tous les aspects qui caractérisent les différentes étapes de l’expérience migratoire, du départ à l’arrivée, en passant par un éventuel retour. Dans l’intention de contribuer à cet effort de lecture de la réalité, j’ai décidé de consacrer le message de la 109e Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié à la liberté qui devrait toujours caractériser le choix de quitter sa propre terre.

« Libre de partir, libre de rester » était le titre d’une initiative de solidarité promue il y a quelques années par la Conférence épiscopale italienne comme une réponse concrète aux défis des migrations contemporaines. À l’écoute constante des Églises particulières, j’ai pu constater que la garantie de cette liberté est une préoccupation pastorale largement répandue et partagée.

« Après leur départ, voici que l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit: « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Egypte; et restes-y jusqu’à ce que je te dise. Car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. »)» (Mt 2, 13). La fuite de la Sainte Famille en Égypte n’a pas été le résultat d’un choix libre, tout comme de nombreuses migrations qui ont marqué l’histoire du peuple d’Israël. Migrer devrait toujours être un choix libre, mais en fait, dans de nombreux cas, même aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Des conflits, des catastrophes naturelles ou, plus simplement, l’impossibilité de mener une vie digne et prospère dans leur pays d’origine contraignent des millions de personnes à partir. En 2003 déjà, saint Jean-Paul II déclarait que « construire les conditions concrètes de la paix, en ce qui concerne les migrants et les réfugiés, signifie s’engager sérieusement à sauvegarder avant tout le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire de vivre en paix et dans la dignité dans sa propre patrie » (Message pour la 90e Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié, n. 3).

« Ils emmenèrent leurs troupeaux et tout ce qu’ils avaient acquis au pays de Canaan et ils vinrent en Egypte, Jacob et tous ses descendants avec lui » (Gn 46, 6). C’est à cause d’une grave famine que Jacob et toute sa famille ont été contraints de fuir en Égypte, où son fils Joseph a assuré leur survie. Les persécutions, les guerres, les phénomènes climatiques et la misère sont parmi les causes les plus visibles des migrations forcées contemporaines. Les migrants fuient la pauvreté, la peur, le désespoir. Pour éliminer ces causes et mettre fin aux migrations forcées, nous avons besoin de l’engagement commun de tous, chacun selon ses responsabilités. Un engagement qui commence par le fait de se demander ce que nous pouvons faire, mais aussi ce que nous devons cesser de faire. Nous devons nous efforcer de mettre fin à la course aux armements, au colonialisme économique, au pillage des ressources des autres, à la dévastation de notre maison commune.

« Tous les croyants étaient réunis et avaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et leurs possessions et les partageaient avec tous, selon les besoins de chacun » (Ac 2, 44-45). L’idéal de la première communauté chrétienne semble si éloigné de la réalité d’aujourd’hui ! Pour faire de la migration un choix réellement libre, nous devons nous efforcer d’assurer à chacun une part équitable du bien commun, le respect des droits fondamentaux et l’accès à un développement humain intégral. C’est le seul moyen d’offrir à chacun la possibilité de vivre dignement et de se réaliser personnellement et en tant que famille. Il est clair que la tâche principale incombe aux pays d’origine et à leurs dirigeants, qui sont appelés à exercer une bonne politique, transparente, honnête, prévoyante et au service de tous, en particulier des plus vulnérables. Mais ils doivent être mis en mesure de le faire, sans être privés de leurs ressources naturelles et humaines et sans ingérence extérieure visant à favoriser les intérêts de quelques-uns. Et quand les circonstances permettent de choisir d’émigrer ou de rester, il faut encore veiller à ce que ce choix soit éclairé et réfléchi, pour éviter que tant d’hommes, de femmes et d’enfants ne soient victimes d’illusions hasardeuses ou de trafiquants sans scrupules.

« En cette année jubilaire vous rentrerez chacun dans votre patrimoine. » (Lv 25, 13). La célébration du jubilé pour le peuple d’Israël représentait un acte de justice collective : chacun pouvait  » retourner à sa situation initiale, avec l’annulation de toutes les dettes, la restitution des terres et la possibilité de jouir à nouveau de la liberté propre aux membres du peuple de Dieu  » (Catéchèse, 10 février 2016). À l’approche du Jubilé de 2025, il est bon de se rappeler cet aspect des célébrations jubilaires. Un effort conjoint de chaque pays et de la communauté internationale est nécessaire pour garantir à chacun le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire la possibilité de vivre en paix et dans la dignité sur sa propre terre. Il s’agit d’un droit qui n’a pas encore été codifié, mais qui revêt une importance fondamentale, dont la garantie doit être comprise comme une coresponsabilité de tous les États à l’égard d’un bien commun qui dépasse les frontières nationales. En effet, les ressources mondiales n’étant pas illimitées, le développement des pays économiquement les plus pauvres dépend de la capacité de partage qui peut être suscitée entre tous les pays. Tant que ce droit ne sera pas garanti – et le chemin est encore long – beaucoup devront encore partir à la recherche d’une vie meilleure.

« Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, 36 nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir » (Mt 25, 35-36). Ces paroles nous exhortent à reconnaître dans le migrant non seulement un frère ou une sœur dans le besoin, mais aussi le Christ lui-même qui frappe à notre porte. C’est pourquoi, en œuvrant pour que toute migration soit le fruit d’un choix libre, nous sommes appelés à avoir le plus grand respect pour la dignité de chaque migrant. Cela implique d’accompagner et de gérer les flux de la meilleure façon possible, en construisant des ponts et non des murs, en élargissant les canaux pour une migration sûre et régulière. Où que nous décidions de construire notre avenir, dans le pays où nous sommes nés ou ailleurs, l’important est qu’il y ait toujours une communauté prête à accueillir, à protéger, à promouvoir et à intégrer chacun, sans distinction et sans laisser personne de côté.

Le chemin synodal que nous avons entrepris en tant qu’Église nous conduit à voir dans les personnes les plus vulnérables – et parmi elles de nombreux migrants et réfugiés – des compagnons de voyage particuliers, à aimer et à soigner comme des frères et des sœurs. Ce n’est qu’en marchant ensemble que nous pourrons aller loin et atteindre le but commun de notre voyage.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, 11 mai 2023

FRANÇOIS

 

Prière

Dieu, Père tout-puissant
donne-nous la grâce de nous engager avec ardeur
en faveur de la justice, de la solidarité et de la paix,
afin que soient assurée à tous tes enfants
la liberté de choisir d’émigrer ou de rester.

Donne-nous le courage de dénoncer
toutes les horreurs de notre monde,
de lutter contre toutes les injustices
qui défigure la beauté de tes créatures
et l’harmonie de notre maison commune.

Soutiens-nous avec la force de ton Esprit,
pour que nous puissions manifester ta tendresse
à chaque migrant que tu places sur notre route
et répandre dans les cœurs et dans tous les milieux
la culture de la rencontre et de la protection.

 

Source : vatican.va
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