La finale de l’Evangile de Marc que nous lisons aujourd’hui tranche un peu sur tous les autres évangiles de cette semaine. Il ne s’agit plus d’un récit vivant et coloré, mais d’une sorte de résumé des apparitions de Jésus Ressuscité.
Tout au long de cette semaine, nous avons pu relever trois constantes dans les récits d’apparitions du Sauveur : l’initiative vient de Jésus, la reconnaissance de Jésus se fait toujours progressivement, chaque rencontre du Ressuscité débouche sur une mission pour les disciples.
Aujourd’hui encore : l’initiative de Jésus est soulignée. Jésus se fit voir, Jésus se manifesta sous une autre forme, Jésus se manifesta aux Onze eux-mêmes. Le thème de la reconnaissance de Jésus est présent, lui aussi, mais renversé, en quelque sorte : l’Évangile souligne par trois fois l’incrédulité des compagnons de Jésus. Ils refusent de croire Marie-Madeleine, ils refusent de croire les deux disciples qui revenaient de la campagne (=Emmaüs), Jésus lui-même reproche aux Onze leur entêtement à ne pas croire ceux qui l’avaient vu ressuscité.
L’accent principal de l’Évangile porte aujourd’hui sur la mission universelle. Il ne s’agit plus seulement de porter la nouvelle à Pierre et aux autres disciples rassemblés à Jérusalem, mais de partir dans le monde entier et de proclamer la victoire de Jésus à toute la création. Ce récit éclaire notre situation actuelle de témoins du Christ et les principales tensions que nous connaissons dans notre itinéraire spirituel aujourd’hui.
-Tensions dans notre vie face aux initiatives de Jésus. Nous l’avons découvert, reconnu, accueilli, au moment du premier don, mais, les années passant, il nous arrive de constater que, par moments, nous avons transféré notre trésor ailleurs. Dès lors Jésus vivant ressuscité, quand de nouveau il prend l’initiative de nous rencontrer, de croiser notre route, nous apparaît comme un étranger, difficilement reconnaissable.
-Tensions au cœur même de notre foi et de notre espérance, lorsqu’il s’agit justement de rejoindre le Vivant, le Ressuscité, non pas dans l’euphorie d’une présence sentie, claire pour les yeux et chaude pour le cœur, mais humblement, quotidiennement, à partir du témoignage des Écritures et sous les traits de sa communauté souffrante. C’est la difficulté de croire sans avoir vu, de tout miser sur la parole du Maître.
-Tensions, enfin, au niveau de la mission. À qui Jésus confie-t-il le message universel ? A ceux et à celles qu’il vient de trouver incrédules, entêtés, lents à croire. Pourtant « il nous est impossible de ne pas dire ce que nous avons vu et entendu ».
Porteurs d’une nouvelle bouleversante pour le monde, nous portons en même temps le poids de nos lenteurs, de nos réticences et de nos reprises. Jésus nous confie la flamme qui peut allumer dans le monde l’incendie de la charité, mais nous la portons « dans des vases d’argile ». L’amour du Christ, toutefois, est si fort, si personnel, si rédempteur, qu’il nous interdit de nous laisser paralyser par notre misère. La mission est là, belle, urgente, décisive, et « il est fidèle, le Dieu qui nous a appelés à la communion de son Fils ». C’est encore lui qui fera cela.
Après sept jours de célébration de la résurrection du Seigneur, la Bonne Nouvelle semble encore enlisée dans les peurs et les endurcissements humains. Quel mystère. Quel malaise. Cet Evangile nous invite à devenir de vrais témoins du Ressuscité, c’est-à-dire à accueillir sans cesse cette conversion profonde de nos vies qu’Il opère chaque jour et à en être les témoins quotidiens.